[Chronique son] Blackstar (Mos Def aka Yassin Bey & Talib Kweli) - Respiration feat Common



Black Star ou le duo Mos Def & Talib Kweli réunis sur le temps d'un album, désormais classique : Mos Def & Talib Kweli Are Black Star sorti le 26 août 1998.

 

Introduction et couplet de Mos Def


C'est le second single de l'album. Le rappeur Common a était invité pour poser le dernier couplet ainsi que DeChown Jenkins qui joue la guitare dans le morceau. Le producteur Hi-Tek a produit ce son qui sample "The Fox" de Don Randi. Le morceau s'ouvre lui sur un sample du documentaire hip hop Style Wars qui traite du graffiti. Le single a atteint la place #54 au Billboard Hot R& B /Hip-Hop Songs chart. Deux remixes ont étaient réalisé pour ce morceau :  'Flying High Mix' contient une production de Pete Rock et un couplet de Black Thought de The Roots. Un autre remix se retrouve dans la compilation 'Hip Hop Classics Vol. 1' qui contient aussi le remix de Pete Rock, mais le couplet est posé par Common au lieu de Black Thought.

A noter que le type appelé Dez dans le dialogue n'est autre que le futur Dj Kay Slay. Alors que dit ce sample et pourquoi l'inclure ici ?


L'idée est de ramener le hip hop à ses origines, dans le métro, dans le ghetto de New York. De plus les rappeurs dépeignent ici leur ville telle qu'elle était en 1998 entouré de crimes et d’oppression où le hip hop est vu comme un moyen expression pour protester. Enfin ça vient souligner la force de la police dans la ville et son contrôle totale dans les métros ou les gaffeurs ont en fait leur wagons d'art.

Ensuite l'intro se termine avec :  
Escúchela, la ciudad respirando... 
(Écoute, la ville respire ou écoute la ville respirer)

Là encore, ce n'est pas placé pour rien car ce que vient signifier la voix féminine c'est 1) écoute le son et tais toi 2) tout se fait dans l'ombre, en silence, entre les civils et les flics comme sous dans le métro.


Mos Def ouvre le morceau avec un couplet de qualité. 

"The new moon rode high in the crown of the 
Metropolis, shining, like "Who on top of this ?"

Tout d'abord il donne l'image de la lune au dessous du ciel de la ville. Elle est très éloignée et elle descend et décrit ensuite la vie dans ville, les gens qui la composent, des plus aisés aux plus délaissé. Son couplet englobe toute la ville et tout ce qui la constitue, que ça respire ou non. Il symbolise ici la lune comme une étoile au sommet de sa couronne. L'image est forte car il décrit quelque chose de sublime pour finir par se perdre dans le tumulte de la ville. 

Ensuite, il est important de considérer le terme "The new moon" qui correspond à la nouvelle lune qui se caractérise par le fait qu'elle soit sombre et difficilement observable à l’œil nu. On peut le voir comme une lumière qui tente de jaillir et de briller dans la pénombre. En Islam, la nouvelle lune est vu comme un bon signe, on réalise des prières à sa vue, symbole de foi et divin.

Enfin le terme peut tout simplement désigner ce nouveau groupe qui va briller sur le rap tout comme le fait la lune à travers les étoiles déjà existantes. Metropolis est la ville ou évolue Superman, en la plaçant ici, il fait référence à New York, ville de super héros, de comics et donc d'histoire à raconter comme il s’apprête à le faire avec son couplet. Malgré tous les buildings, le pouvoir dont on peut jouir, comment comprendre la nature ? Tous ces buildings restent TOUS sous la lune et le ciel.

1

Autre phrase qui m'oblige à m’arrêter :
"Draped in metal and fiber optics"

New York est réputé pour ses grattes ciels d'acier mais en fait tout est fait de matériaux : ses métros, ses câbles qui relient et traverse la ville, ses ponts... C'est une sorte de monument de la technologie, tout est artificiel quelque part. Lui fait partie des gens de seconde zone dans le sens où il fait les boulots que personne ne fait mais qu'il faut faire et se sert des objets jetés pour les recycler en somme. C'est une seconde main. Il fera un parallèle entre le colosse de Rhodes qui dépassait les 30 mètres. Aussi impressionnant et puissant qu'il était, tout comme les gratte ciel, ils finiront par s'effondrer à leur tour. Ce qui vient briser le mythe de l'immortalité et réduire l'humain à sa simple condition : il est tout petit dans l'univers. Colosse fait aussi référence au personnage des X-Men pour continuer sur les métaphores sur les comics.

Plus haut dans le couplet, il mentionnera "Gotham" qui est la ville de Batman & Robin qu'il mentionnera plus tard et qui ne pourront ici sauver personne. Pas mal de jeux de mots vont découler de son couplet tout le long. Il faut bien retenir qu'a NY, soit tu te fais un nom et tu montes, soit tu es naïf et attends vainement un coup de pouce. Pour lui la ville est "meurtri mais juteuse" comme une pomme, car le surnom de la ville est Big Apple. 


La connaissance peut s’avérer dangereuse car elle nous sort de notre zone de confort mais elle est vitale... Donc créerons nous notre propre paradis sur terre.

Refrain svp !


"Blastin' holes in the night till she bled sunshine"


C'est la phrase qui marque généralement le plus. C'est une façon poétique de dire que les coups de feu vont durer jusqu’à l'aube. Le second sens si on suit la phrase précédente c'est que ses yeux restent grand ouvert du fait qu'il n'arrive pas à dormir et fixe la nuit jusqu’à que le ciel s'éclaircisse.

En 2003, lors d'une interview, David Bowie (auteur-compositeur-interprète et acteur anglais) que c'est l'une des meilleurs phrases qu'il ai pu entendre dans un morceau (tout style confondus). Ça le renvoi à ses insomnies et ses dépressions.

Les rappeurs ici voient un peu la nuit comme leur ennemi, et leur seul arme c'est leur rap qui leur permet de surmonter cette insomnie. Leurs mots sont leurs armes.



Fin du refrain et entrée en jeu de Talib Kweli


Il parle lui aussi de la police dès le début de son couplet, ils patrouillent dans une ville qui est dangereuse et pas commode.

"You on the wrong side of the track, looking visibly shaken"

Le terme est intéressant ici. Y a plusieurs sens ici :
- Certaines personnes ne supportent pas le ghetto, ne sont passez solides = sont du mauvais coté
- Clin d’œil au groupe Artifacts (El Da Sensei & Tame One) pour leur morceau "Wrong Side Of The Track" qui veut dire ici du mauvais coté des rails / trains. Car c'est des graffeurs avant tout et ils peignent le train à l'ombre des regards, pas du coté ou les gens montent...
- Et enfin la plus intéressante où il faut comprendre que les flics mentionné dans le couplet juste avant sont du mauvais coté du morceau. Fatalement ne comprennent pas la situation et agissent mal et ne comprennent pas les gens à qui est destiné ce morceau. Donc sont vu négativement. Les flics sont du mauvais coté du son et de la rue ! Punchline !



Il continuera encore avec des jeux de mots autour des sprays, du graff... Il dira "you got pull", expression qui veut dire que tu as du pouvoir et de l'influence dans la rue. Sauf que la plupart ont leur pull sur les yeux, ce qui veut dire qu'ils sont désorientés. Donc si on traduit, les mecs dans la rue se tuent pour l'argent et le contrôle des rues sauf que ceux qui dirigent les finances tout là haut sont les vrais ennemis.

Une autre image que je voudrais partager car elle est grandiose :
'Look in the skies for God, what you see besides the smog
Is broken dreams flying away on the wings of the obscene'
(Regarde les cieux pour y voir dieu, que vois tu hormis la pollution
Des rêves brisés volés au loin avec des ailes d'obscène)

Littéralement et de façon figuré, en regardant le ciel, l'auditeur n'y voit rien car la pollution couvre tout. Pourquoi "les ailes de l'obscène ?" car seuls les plus désespérés et les gens du ghetto ont les rêves les plus fous. Certains terminent dans le sport, la musique ou dans la drogue.



L'idée qui en ressort ensuite est que rien n'est bon ou mauvais par nature, et souvent en essayant de vivre une vie saine, on se contredit. De plus en pensant que les gens "bons" seront récompensé et les "mauvais" punis, ont se trompe souvent. Là est le paradoxe. Lui tente de réveiller les conscience et de nous alerter des dangers de la vie.

Common termine lui aussi remarquablement bien le morceau :
"Yo, on The Amen
Corner I stood lookin' at my former hood
Felt the spirit in the wind, knew my friend was gone for good
Threw dirt on the casket, the hurt, I couldn't mask it
Mixin' down emotions, struggle I hadn't mastered"

Il a perdu un pote, il a gouté au succès mais ne fait toujours pas deuil. Mixer ses émotions et les masteriser (maitriser) est compliqué. C'est le taf d'un musicien, ingé son, lui est rappeur. Lourd.

Il tente rejoindre le paradis depuis l'enfer qu'il vit en ville. Il vit dans une insurmontable tension. Il imagine le paradis et l'esprit de son pote le rejoindre, il essaye de dessiner le chemin.



La guerre froide a eu lieu entre le bloc de l'est et le bloc de l'ouest mais une guerre silencieuse contre les minorités  a aussi eu lieu aux USA. Ne l'oublions pas, nous rappelle-t-il. Il en placera une pour les filles avec un cerveau peu développé mais qui ont d'autres atouts (physiques) pour s'en sortir et surtout ont des excuses ou savent user de "mais !". Ces filles auront toujours de quoi attirer des mecs riches et manipulateur et auront TOUJOURS une excuse.

Mais ils pointent surtout la gentrification qui pousse les plus aisés à s’approprier des quartiers où des lieux inhabités et créer encore plus d'inégalités. Lui ne se sent ni pauvre ni de la classe moyenne, entre les deux mais n'appartient à aucun d'eux. Il vit dans le ghetto, il hait la violence et tout ce qu'il en découle mais il fier de faire partie de sa communauté. Entre haine et amour.

Certains enfants, familles n'ont jamais quitté leur ghetto ni mentalement ni physiquement. Il leur est impossible de le faire et perpétue ce cycle de désespoir. Au final il a vu que son pote aux funérailles ne respirait plus mais impossible pour lui d'y croire. Il entend la ville respirer mais il a du mal à s'habituer aux changements.


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