[Chronique son] Saïan Supa Crew - La Preuve par 3

Saïan Supa Crew, collectif parisien, collectif mythique qui s'était fait connaitre au en France grâce à son excellent single "Angela". Qui dit collectif, dit donc association de crews, d'artistes, de talents ici c'est bien le cas car il est composé de :  

- Explicit Samouraï : Specta, Leeroy Kesiah et du DJ Eddy Kent

- OFX : Féniksi (Féfé), Vicelow et KLR

- Simple Spirit :  Sir Samuel et Sly The Mic Buddah

Leur originalité fait qu'il posait sur plusieurs styles différents pouvant aller du reggae au zouk. Écrire des morceaux touchants, hilarants, à l'aise dans tout. Ils ont aussi mis en avant et fait découvrir à bon nombre de gens le beatbox via Sly the Mic Buddah et Leeroy. Notons aussi leur collaboration à l'international avec : Busta Rhymes, RZA, Ky-Mani Marley, Will.I.Am...

Pour le nom du groupe, les fans de Dragon Ball auront vite fait le lien, les Saians c'est Sangoku, Vegeta, Sangohan... Donc des super guerriers, des super artistes. Leur carrière débute en 1998 mais peu avant d’être signé sur un label, KLR décède dans un accident de voiture. Angela et ses paroles très crues, son passage en créole, son clip atypique a remuer beaucoup de fesses à partir de 1999. Le style ne se rapproche pas du tout du Wu Tang mais les comparaisons se faisaient par contre par ce qu'ils étaient nombreux, talentueux, et apportaient quelque chose de nouveau. Ils vont ensuite participer à des films et meme voir leur second album "X Raisons" récompensé par un award aux Victoire de la musique 2002 dans la catégorie meilleur album rap / groove.

Mais nous on va s'intéresser à leur premier album "KLR" en hommage à leur pote décédé. Plus précisément on va traiter du sujet du racisme qui est bien trop souvent à la mode. Ce sera le troisième single de l'album. Plusieurs chansons sur ce thème ont eu lieu mais celle-ci est très originale car les artistes vont tous se mettre dans la peau d'une personne.

 

Le titre comme son nom l'indique traite lui 3 cas :

"- Un Blanc qui hait les Noirs et un Noir qui se sent heurté par cette haine gratuite. 

- Un Blanc qui n'aime pas les Arabes et un Arabe qui le lui rend bien 

- Un Noir qui hait les Blancs et un Blanc qui ne comprend pas pourquoi on l'insulte quand il tend la main."

Concept très ingénieux donc. Le but est bien évidemment d’éradiquer le racisme, de présenter des contrats de paix et de compréhension. L'introduction est un recueil de phrases, de blagues et de conversations très cliché et bien sur très raciste. Et là c'est marrant, car on entend de tout et vous pourriez bien reconnaitre des gens autour de vous. Certains essayent de minimiser et de dissimuler leur haine car ce n'est pas votre couleur mais votre culture qui les dérange ils diront.

- Sly the Mic Buddah qui est noir de peau se met dans celle d'un blanc. Lui n'aime pas les noirs, il incarne bien le gros hypocrite qui par devant balance des vannes simple en apparence. Mais en réalité tout se joue dans les coulisses, car dans sa barbe il se lâche. Il va naturellement user de la formule "J'aime pas trop les blancs noirs toi ça va", on a tous entendu au moins une fois ça. La variante ici c'est qu'il n'aime pas les vetements de noirs mais sur toi ça va. Alors que dans le fond et dans leur dos il lève son majeur.  Il finira avec le cliché très classique que les blancs ne savent pas danser contrairement à ses homologues noirs qui eux on ça dans la peau. Sport, musique, danse... En fait ils sont doués en tout et ses cousines blanches aiment ça. Il craque.

- Sir Samuël prendra le relais, il est aussi noir de peau mais jouera un autre rôle. Il était plutôt dans l'incompréhension lui. Il ne comprend pas pourquoi après 400 ans d'esclavage, le racisme, l'oppression et les différences sont aussi présentes. Les esclaves étaient fouettés et donc étaient des victimes sur le plan physique mais maintenant cette violence se fait plus du coté moral et psychologique. Il demande donc au blanc en quoi ils sont supérieurs aux blancs ? En quelque chose ? Si oui, dites lui. Il dit donc à la fin que la seule différence est la couleur de peau qui est hélas très superficielle et ne devrait pas avoir autant d'importance. Il va ensuite enchainer le refrain :

"Il y a de quoi se faire du souci 

Quant au devenir de l'homme sur la planète 

À commencer par ce pays dans lequel je vis 

Où l'on cultive la différence, laissant l'unité dans l'oubli"

Très clair, efficace. On adhère forcément. 

- Vicelow est un noir qui joue le rôle d'un blanc raciste, d’extrême droite, génération identitaire et tous ces extrémistes qui ne réfléchissent pas. Tous ces blancs racistes qui vont accuser les arabes, pas les étrangers mais juste la communauté arabe (française par défaut en réalité pour la majorité) d’être à l’origine des troubles de la société. Le passage qui résume le mieux son texte :

"On en héberge un 

Et c'est toute une famille qui se ramène avec des moutons 

Qu'ils égorgent"

Tous les ans, on entend le même discours, comme si c'était des barbares et qu'ils égorgeaient ces pauvres bêtes dans leur logement fourni par l'état. Bravo les champions des raccourcis. Car lui en a marre des Cheb Khaled, il veut des Yves Montand (chanteur / acteur français d'origine italienne).

 

- LeeroY Kesiah qui va lui répondre directement, donc lui est dans la peau d'un arabe. A noter que lui est blanc, le seul du groupe d'ailleurs. Sans être violent mais très explicite, il va notamment pointer l'apport des arabes et du monde musulman dans le monde occidental. Des choses qu'on pourrait considérer comme acquises. Je tiens par contre à préciser que les arabes n'ont pas inventé le chiffre 0. Ce sont les indiens qui en sont à l'origine, les arabes l'ont transmis à l'occident mais le chiffre 0 est bien originaire de l'Inde. Il fermera intelligemment son couplet ainsi : 

"Tu ne peux pas avoir le beur, l'argent du beur 

La beurette, sa bonne humeur 

Et en plus qu'on t'accueille avec un sourire balaise"

Jeu de mots donc avec l'expression "avoir le beurre et l'argent du beurre" ce qui signifie tout avoir. Exemple dans un échange on veut l'objet qu'on échange mais en plus celui que l'acquéreur doit nous donner. Ce qui veut dire ici qu'il y a des bons arabes comme des mauvais et il faut l'accepter. Il accepte de danser sur du rai, que son frère soit marié à une arabe et que sa mère cuisine à l'huile d'arachide ? Donc il doit accepter aussi les mauvais cotés, l'un ne va pas sans l'autre, il il veut voir le soleil, il doit d'abord passer la nuit. 

- Specta lui aussi noir de peau hait les blancs mais d'une façon très violente. Il a une haine dans le morceau très palpable au point qu'il ne veut même pas qu'un blanc le kif ! Je suis noir et je veux des noirs. Il dira clairement que les blancs sont tous mauvais, il va aussi s'en prendre à la police. Son couplet est bref mais le personnage y est bien plus prononcé que les autres. 

 

- Feniksi a.k.a. Féfé lui est noir et incarne le blanc qui est antiraciste. Il en a assez de cette guerre, de parler de couleurs de peaux. Sa première phrase fait directement écho au précédent couplet qui demande pourquoi il lui serre pas la main ? Mais il ne se découragera pas car il retentera demain. Il raconte qu'étant blanc dans la cité, il est mal vu car il ne peut pas se plaindre. Ici c'est lui qui à l'origine de tous les maux, les anti-blancs l'accusent de tout avoir et que c'est à cause des siens qu'ils galèrent. Donc lui étant blanc doit se taire. 

Ce qui est dur pour lui en tant que blanc c'est que si il dit "Vive la France" par exemple on va crier au nationaliste, raciste et autres. Alors que si il loue la race d'un autre, on va lui dire "casse toi sale blanc, t'es pas des nôtres". Seul et isolé, il ne sait pas où se ranger... Et il fini très bien en disant que si les noirs se venge de tous les affronts ça n'arrangerait rien, ça inverserait les rôles et ça n'en finirait jamais. Donc la violence, la haine, la rage et la vengeance ne sont pas des solutions. Eux aussi seraient accusés des mêmes violences.

Alors on peut se poser la question, si dès qu'on voit un noir, on dit "tu peux pas le louper, c'est le seul noir", on voit un arabe et on dit "l'arabe de l'équipe, tu vois ?" Et qu'ils sont de nationalité française, n'est-ce pas normal quelque part qu'ils se sentent exclus et donc pas français malgré leur nationalité ? Si on exclut quelqu'un qui veut s'intégrer, faut pas s'étonner qu'il s’exclut lui même et exclut ainsi tout ce qu'il y a autour. Nous sommes plus de 6 milliards sur cette planète et on souffre encore de solitude, est-ce normal ? Aimons nous, le mal n'a pas besoin de notre haine, il en fait déjà assez.