[Chronique Son] Common - I Used To Love H.E.R



Classique de chez classique ! Je m'attaque a un morceau très connu, et a juste titre. Mais le connait-on vraiment ? Je vais essayer de détailler tout ça. Le morceau raconte la rencontre d'un jeune garçon (10 ans) avec une femme. Cette fille très spéciale a commencer a changer de personnalité, se dégrader et devenir inintéressante. Jusque là, rien de spécial, sauf qu'a la fin du morceau, le rappeur nous apprend qu'il ne parlait pas du tout d'une fille au sens propre du terme ! Mais du rap...de la musique. Le titre qu'on pourrait traduire par "Autrefois je l'aimais" a un autre sens car le H.E.R veut en fait dire : Hearing Every Rhyme, donc entendre chaque rime. Ce morceau a fait énormément de bruit car il s'en prend principalement au rap West Coast & la G-Funk qui était en plein essor a cette époque. Le rappeur Ice Cube a d'ailleurs répondu a ce morceau avec le morceau "The Bitch In Yoo", la guerre East / West était bien lancée. Pourtant Common vient de Chicago dans le midwest.

Background exposé, qui derrière la production ? 


C'est No I.D de Chicago qui s'en est chargé, producteur peu connu a l'époque mais après ça tout a changé. C'est une sample direct de l'artiste George Benson et de son morceau The Changing World. Le producteur nous explique qu'il avait une MPC SP1200 qu'il voulait utiliser. Et il est tombé sur ce morceau qu'il a bien aimé, et il voulait rajouter une ligne de basse bien pesante. Comme beaucoup de classiques, il ne savait pas encore que ça allait traverser les temps et les contrées, ils n'étaient pas très populaire a cette époque. D'ailleurs ça a valu beaucoup de reconnaissance a ce producteur qui a était ensuite contacté par des mecs comme Ghostface Killah (Wu Tang), Big Pun, Biggie...Common avait déjà son idée du morceau, il avait juste à adapter le beat. No I.D est aussi reconnu aujourd'hui pour avoir était le mentor de Kanye West, autre figure de Chicago. La mère de Kanye connaissait la mère du producteur de Chicago, du coup elle lui a refilé son numéro pour créer cette rencontre entres artistes. No I.D se rappel aussi bien du clip, ils ont fait 3 versions de ce clip qui leur avait couté pas mal d'argent. Et c'est finalement, la troisième et dernière version qui a était retenu et qui tourne aujourd'hui. Dans le clip qui se passe dans le quartier de South Side, ou a grandi le rappeur, on y voir une femme (métaphore de la chanson) se transformer petit à petit en gangster.

Ce que disent les couplets


Le refrain qui ouvre le morceau, est très simple :
Yes, yes, y'all, and you don't stop 
To the beat, y'all, and you don't stop 
....

Mais y a une explication à ça, suivez le guide. Le rappeur n'avait pas d'idée concernant le refrain et c'était pas son fort, alors il a improvisé sur le coup. Il a en quelque sorte recopié ce que fessait les mecs avant lui. Cette phrase toute simple qui est "yes, yes y'all and you don’t stop" remonterait aux origines du hip hop, lors des block parties. C'est en 1979 qu'elle apparait pour la première fois dans un enregistrement (Grandmaster Flash and the Furious Five’s "Superappin"). Même eux ne peuvent l'expliquer, ils ont juste kiffé le délire et l'ont appliqué. Voila pour le refrain, concernant les couplets, c'est bien plus approfondi.

"I met this girl when I was 10 years old 
And what I loved most she had so much soul 
She was old school when I was just a shorty"

Ce passage sera repris par divers artistes dont Kanye West. Le mot soul a deux significations ici :
- Le genre de musique dont le rap s'inspire en grande partie, fait a base de samples de musiques soul
- le mot soul, désigne "âme" en anglais, car le rap avait une âme et était personnelle et recherché

Il poursuit dans le texte en disant qu'il voyait tout en rose car il avait 10 ans a cette époque, qu'ils ne voyaient pas l'argent qui y avait derrière, juste le kif. Bien que le rap n'était pas très populaire, il ne rapportait pas tant d'argent, il aimait et le respectait. Car cette fille, les textes lui parlaient, il se reconnaissait dedans. Mais juste après ca il nous dit :
"A few New York niggas had did her in the park"


L'utilisation des mots, n'est pas anodine ici. Ce qu'il veut dire par la c'est que certains rappeurs de New York se la sont tapés dans le parc (rappelons qu'on parle d'une fille pour faire référence au hip hop). A cette époque, c'est surtout a NY que ca rappait, la ou tout a commencé. La phrase d'avant comprenait le mot respect, mais la il parle d'argent fessant allusion a la prostitution et au cheminement qu'a pris le rap. Mais il adorait kickait et se délivrer a travers le rap, donc ca lui a apporté. Et lui a aussi enrichit le rap en retour de ses classiques. Il voulait se la taper mais il attendait son tour patiemment. Clairement il clame son amour pour cette femme, il a des papillons dans le ventre quant il la voit. Le temps à passé, et on est au couplet deux, et cette fille a grandi et sort maintenant en boite et s'invite dans les soirées. Il dit qu'elle n'avait pas encore de corps mais elle développait beaucoup de qualités. Il continue avec des jeux de mots en mettant en avant la culture afro-américaine qui prônait la non violence. Ces mêmes afro-américains qui lui apprenaient des choses sur son peuple.

Mais tout en :
By not preaching to me but speaking to me

La West Coast ciblé en partie dans ce morceau


En lui disant des choses, en lui parlant, pas en lui disant de vivre sa vie comme ceci ou comme cela,  contrairement a une religion. Et ce pas d'une façon agressive ou forcé, ça se fessait naturellement, le rap lui parlait. Il en profite pour lâcher une dédicace à Eazy-E et nous explique qu'il ne voit aucun mal au fait qu'elle soit partie vers la West Coast. Qu'elle va surement se faire de l'argent a Los Angeles et que tout le monde devrait partir si il a des opportunités. Et d'ailleurs, grâce au gangsta rap made in West Coast, elle a énormément gagné en popularité avec : Dre, Snoop Dogg...Le problème, c'est qu'on a un peu mis de coté les origines, notamment ce coté pro black pour introduire du R&B. Les radios et les labels a cette époque, forçaient les artistes a collaborer avec des chanteurs / chanteuses pour jouer des sons commerciaux. Mais dans le fond ça le dérange pas tant que ça, car il conçoit qu'il y peut avoir plusieurs courants. Lui même plus tard, fera des collaborations avec des gens du R&B et consorts. Et c'est cette phrase qui a enragé le rappeur Ice Cube qui a fini par clasher  

Common :
I wasn't salty, she was with the boys in the hood

Boys In The Hood est un film sorti en 1991 ou figure Cube. Le mc de Chicago veut dire par la qu'il n'est pas jaloux ou autre qu'elle roule de ce coté de la des E.U. Au contraire, ça va lui apporter plus de reconnaissance et de notoriété. Encore une phrase mal interprété...Il fini sur un couplet sur un jeu de mot mélangeant poitrine et fausse poitrine pour dire que quand c'est vrai, ça pend.

Dernier couplet, la révélation

Dans le dernier couplet, on à l'impression qu'il a grandi un peu, parlant plus d'amour perdu mais plutôt d'évolution, de créativité. Et la seconde phrase, c'est une punchline, et pourquoi ?
Once the man got to her, he altered her native

Si on écoute bien ou on lit bien, on distingue le mot "Alternative" qui est un courant qui va se développer. La phrase dans sa globalité, est un truc du genre, quand le mec se l'approprie, il la dénature et lui donne une autre forme. Maintenant on va regarder ça encore dans un angle plus précis.
Le mot "man" fait référence aux labels, les maisons de disque. Le mot "native" fait référence aux personnes, a ces racines, de la d’où elle est originaire et comment on la traite (comment on rappe). Ça fait référence aux rappeurs qui altèrent leur façon de rapper et comment il dénature (pour le pire) le rap. Mais cette "prostitution" se fait en compagnie du "man" car il sait qu'il a une poule aux yeux d'or et veut se faire du fric. Mais son style ne fera pas de fric, il faut donc un truc extravagant. Donc il fait des mecs qui guident cette femme pour faire de l'argent a travers son image et ses gimmicks et non pas sa beauté intérieure. Ou en lançant une ligne de vêtements, comme FUBU par exemple.  




Mais le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui le rappeur a lui même lancé des produits et fait des apparences médiatisés. Il balance même "she's universal", hors il est signé chez GOOD's Music, filière... D'universal. Il rebondit après sur ces rappeurs qu'ils parlent de leurs exploits en ville : vendre de la drogue, porter des armes a feu, montrer leur richesse...Tous les mauvais cotés. Il en veut beaucoup a ses artistes de la West qui avaient la cote a l'époque, les gens se sont jetés sur eux. Ils avaient une autre approche et en particulier de la femme, misogyne, macho, vulgaire, racailleux... Ça contrasté clairement avec ce qu'il avait l'habitude de faire et d'écouter. Et pourtant le public en réclamait, encore et encore. Ces gangsters au mic parlaient principalement de drogue, d'armes a feu, d'alcool, de faire la fête...Ce qui finissait par créer des histoires tristes. Il leur reproche aussi d’être faux et de mentir dans leur texte, ils s'inventent des vies et des faits pour mieux vendre. Il accuse aussi en grande partie la G-Funk, car la fille ne fini par n'écouter que ça. Il rappe lui aussi, il a percé mais pas pour l'argent ou pour simplement le faire, mais vraiment par ce qu'il aime. En somme il dit même qu'il a couché avec, mais il a fait ça a la gentleman.

I see niggas slammin' her

Celle-ci c'est pour Onyx & Das Efx qui ne respecte pas la femme. 2 groupes new yorkais qui frappe cette femme et tabasse le hip hop, la prostitue. Mais ils ne l'ont pas relevé contrairement a Cube qui lui n'a pas laissé la phrase sur son  film. Ces deux groupes sont underground et par métaphore conduisent cette fille dans les égouts et c'est pas pour la nettoyer, au contrarie. Mais lui il aime cette fille, il croit en elle et veut donc la sortir de cette trappe. Et la il fini sur la punchline qui définit le morceau :
‘Cause who I'm talking 'bout, y'all, is hip-hop

Et la, si vous prenez les textes et remplacer les mots "girl" par "rap" et les "she" et "her" par "it" et "it's", tout rentre dans l'ordre. Un vrai coup de maitre. Durant l’enregistrement, son coloc' pensait qu'il parlait d'une meuf jusqu’à la dernière phrase comme tous les auditeurs. Assez ouf, a la Usual Suspects. Coup de génie, considéré comme l'un des meilleurs morceaux de tous les temps, beaucoup le placent en numéro un.



Voici quelques hommages, remixes, distinctions...:


Tiffany Hamilton, de AllHipHop.com, la décrit comme une "ode intemporelle au hip-hop [...] qui a imposé Common comme l'un des pionniers du rap conscient". Alex Henderson, de AllMusic, considère que c'est le morceau le plus remarquable de l'album Resurrection. Mark Anthony Neal, professeur à l'Université Duke, a déclaré que c'était le meilleur single jamais produit par Common. Pour Andrea Duncan-Mao, du magazine XXL, c'est une "ode douce-amère au hip-hop" et un "classique"

 - En 1999, Chuck D a fait figurer I Used to Love H.E.R. sur la compilation Louder Than a Bomb.

 - En 2005, le rappeur Jin mentionne la chanson de Common dans son single intitulé Top 5 (Dead or Alive) : « Trying to figure out the fly chick I discovered... At the same time Common said he used to love her ».

- En 2006, le groupe Vitamin Jazz fait une reprise de I Used to Love H.E.R sur l'album Commonication: The Smooth Jazz Sessions to the Music of Common.

- Toujours en 2006, sur Spring of the Songbird, album du rappeur Sivion, figure la chanson I Still Love H.E.R. en hommage à Common.

- En 2007, le groupe japonais Teriyaki Boyz et Kanye West ont écrit une chanson intitulée I Still Love H.E.R. qui fait référence à I Used to Love H.E.R..

- En 2008, la chanson a inspiré au rappeur Danny! le titre de son album And I Love H.E.R.: Original Motion Picture Soundtrack ainsi que le troisième morceau de l'opus intitulé I Want H.E.R. (She's So Heavy).

- Les deux premiers vers de I Used to Love H.E.R. ont été repris par Kanye West au début de son titre intitulé Homecoming.

- En 2009, le MC de Brooklyn, Israel The ILLa Real, a déclaré que le titre de son album I Fell In Love With H.E.R. (Hearing Every Rhyme) avait été inspiré par la chanson de Common.

- Dans son morceau, Showing Out, le duo Clipse fait référence à la chanson de Common : "Common loved H.E.R., I wish I'd never met her".

- Le producteur 9th Wonder a remixé I Used to Love H.E.R et l'a publié en single avec The 6th Sense en face B.

- En 2010, Murs et 9th Wonder ont enregistré I Used to Luv H.E.R.(Again) sur leur album Fornever.

- Le groupe de hip-hop chinois TriPoets a écrit Used to Love Her, chanson faisant allusion à I Used to Love H.E.R..

- La chanson figure également sur l'album mashup de Team Teamwork, The Ocarina of Rhyme. Cet album propose plusieurs morceaux de hip-hop remixés avec la musique du jeu vidéo The Legend of Zelda.

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