[What Happened ?] Sadistik - Partie 1 [2008 - 2013]


[What Happened ?] 

Sadistik - Partie 1 [2008 - 2013]

Localisation : Seattle, Washington

Nouvel série d'article, elle sera consacré aux artistes qui ont un énorme potentiel, ont montré des choses et qui petit à petit ont sombré pour diverses raisons. C'est un peu comme des sportifs professionnels qui ont raté leur carrière du à des blessures trop régulières, des mauvais choix de clubs / carrière, des idées qui n'évoluent pas... Ils sont nombreux mais tout est subjectif, je m'attarderai seulement sur les plus grosses déceptions que j'ai enregistré. Ça peut paraitre étonnant de retrouver Sadistik ici et en premier alors que j'ai déjà écrit à deux reprises à son sujet :

- Ici ===> [Chronique son] Sadistik - Searching For Something Beautiful (Prod.Emancipator) 

et ici ==> [Chronique son] Sadistik - Chemical Burns Feat. Eyedea & Lotte Kestner

Avec lui, la critique est d'autant plus facile car c'est un personnage assez particulier, mystérieux, et bien que certains diront que cela était prévisible (la ligne artistique choisi) ; on n'a de quoi écrire. Je vous renvoi également à mes articles sur la scène du pacifique Nord-Ouest des E.U qui traite notamment de Seattle, d'où il est originaire. Il y a toujours des lieux, des cultures, des façons de vivre différents au sein même d'un même pays, d'une même population. Alors que pouvait-on attendre d'un rappeur blanc qui a fait des études en sociologie et psychologie ; qui est un proche du défunt Eyedea, propose un rap qui se rapproche de Slug (Atmosphere) ; qui rappe sur des instrus peu conventionnelles et décalés... et qui s'appelle Sadistik ? Son nom, il vous évoque quoi ? En vrai plusieurs choses, et c'est bien lié au personnage. Néanmoins, il dira sur son nom, qu'il ne sait pas pourquoi il s'appel ainsi ! Vers ses 14 ans, il a choisi ce nom (bêtement dit-il) et il l'a gardé. En tout cas, il le porte beaucoup trop bien.

Ce genre d'artiste généralement ne m'intéresse pas trop (bien que j'adore Atmosphere et j'aime bien Grieves) mais je suis tombé amoureux de "Searching For Some Beautiful" comme en témoigne mon article. Et son premier album "The Balancing Act" (2008) est quasiment un sans faute, un classique pour sur et un pilier dans le rap qu'il propose : dépressif, sombre, technique, avec une ambiance, profond et intelligent. 


"The Balancing Act", sa pièce maitresse 


L'introduction "Dawn Of The Dead" commence par un long moment sans paroles et qui créer de suite une ambiance unique. Il pose à partir de deux minutes un couplet unique jusqu’à que sa voix disparaisse au loin avec le son. Il compose ce genre de lignes :

"Any and every engaging discussion
Of loving engraving a memory in me
Memories in me engraving the lovin'
Of every and any engaging discussion
"

Equalibrum délivre une excellente production et il réitère ensuite sur "Playing God" accompagné d'un autre producteur important : Kid Called Computeur. Tout est à base de synthé, de guitare et autres. L'ambiance proposé, surtout pour l'époque est très loin des standards rap et est difficilement comparable. Ce morceau, il critique d'abord ses amis et fait comprendre qu'il préfère être seul. Ensuite il s'en prend explicitement aux chrétiens, à la bible et à dieu. Il est athée, si il doit croire à dieu, ce sera en atteignant le paradis, le jour où sa douleur cessera. Il critique ceux qui prennent des versets de la bible pour les publier et les mettre en avant sans les comprendre ni comprendre la bible. Ils critiquent ceux qui veulent se donner bonne conscience en se rendant à l'église, en écoutant mais ne ne comprenant rien. Le son est mené à travers des rimes riches et létales.

Et pour continuer sa critique, il fera appel à un autre athée : Mac Lethal, vous savez le rappeur qui postule largement pour le débit le plus rapide ?! Je dis bien plus rapide, donc plus que Davodka, Eminem, Twista... Je vois joins la vidéo où il se sert de l'alphabet, fait un rap qu'avec des mots qui commence par "A" puis "B", puis "C", etc... Il tue le beat, c'est une évidence. Il avait déjà posé sur un morceau "Burn churches" avec des australiens, en somme "brulez les églises !". Pour lui, les religions interdit tout et trop de choses, depuis qu'il a découvert la vérité, il n'y croit plus et il est heureux. A noter, que c'est la première production placé par "Emancipator". Tout bonnement magnifique. Lui qui est plus habitué à produire de la musique électronique, du trip-hop et des musiques du genre. Ici, il propose un morceau de rap qui saura conquérir tout le monde.

 



"Memento Mori" fait partie des pièces majeures de la discographie d'Emancipator tant la prod la production est léchée. Il incorpore par moment dans ses morceaux des samples de voix pour amplifier une ambiance, un sentiment ou un passage. Il le fait remarquablement bien ici. Sadistik livre l'une de ses meilleures performances car il montre tout l'étendue de son talent, il rappe, chante, contrôle son souffle, change de flow... 

Il mène le morceau là où il le souhaite, soit en enfer, pour tenir compagnie à son ange. Le son ne parait pas mais les textes sont très sombres, au point qu'il est effrayé et à la fois fier de ce qu'il a écrit et de ce qu'il compte dire. Pour pointer son coté sombre, il fera comprendre à un moment qu'il en veut à une fille pour le chagrin d'amour qu'elle lui a donné. En fait, il la remercie presque car il pleure plus pour le chagrin d'amour crée que pour la fille elle même, ce qui lui donne une raison de boire de l'alcool et de se droguer. Voilà l'idée du personnage, mais pas que...

Il se sent tellement dévoré par la déception et l'envie que même lorsque de bonnes choses arrivent, elles ne font qu'intensifier son pessimisme. La dépression et le suicide sont des sujets récurrents chez lui. Mais il les manie tellement bien qu'on ne s'en lasse pas à travers l'album. Ainsi le morceau "Absolution" long de 6 minutes est un récital et il n'hésite pas à personnifier une horloge. Signe du temps, incontrôlable car nous ne pouvons exercer aucun droit dessus, juste subir, comme la mort. Il reçoit des compliments de personnes disant qu’il est important, formidable et merveilleux, mais il pense surtout que personne ne connait sa véritable identité, qu’il décrit comme un "monstre".

Son morceau "Murder Of Crows" est remarquable, les corbeaux sont associés à la mort et il dit qu'il vole avec eux. Il vole aussi avec les vautours qui sont des oiseaux qui ne mangent que de petits animaux morts. Alors, quand il dit qu'il "a été avec le cercle des vautours", il veut dire qu'il a côtoyé des gens qui ne font que manger ses entrailles, en d'autres termes, il a côtoyé des gens qui l'ont blessé et tué émotionnellement. Il a perdu beaucoup de gens autour de lui, dont son père. Il parlera de lui à plusieurs reprises. Emancipator continue de livrer des productions hors normes, Vast Aire se fait un plaisir de poser sur le sublime "Writes Of A Passage" sur un piano mélancolique amplifié d'une voix envoutante. Les styles et les voix opposés des deux artistes donnent un contenu exclusif. 



"My appetites for sitting in cityscapes in black and white

Crackin' light Smittys I'm shitty faced to crash at night

The passive type, who's a lost pathetic dreamer

Terrified to be a victim with a walking dead demeanor"
 

Voilà l'entrée de Sadistik en a capella, ça représente rien pour vous mais en l'écoutant, c'est phénoménal. L'une des meilleurs entrées que j'ai entendus sur un couplet. Le reste du couplet est hallucinant, un air d'Eminem par moment dans la rage qu'il met à prononcer certains mots, a appuyé les rimes et présenter des schémas de rimes complexes. Il a aussi cette faculté à faire des pauses, enchainer, respirer, repartir... Qui donne un effet rarement vu, on croirait qu'il n'est pas seul à rapper par moment. Si le sujet est moins étiré que d'autres morceaux, il n'en demeure pas moins un classique absolu. "Angel Eyes" qui suit fait pale figure et c'est clairement le moins bon morceau, le seul que je ne digère pas. Heureusement que le producteur Varick Pyr reprendra vite la main sur "November" entre piano et accordéon. Peut être le morceau le plus profond. 

Ce morceau parle de nouveau des relations, une relation avec une femme. Il y a pas mal d'idées dedans et c'est toujours aussi bien exécuté. Le titre est une référence directe au livre "Novembre" écrit par Gustave Flaubert, un écrivain français. Le livre aussi traite des sentiments (au passage, la musique fait très française, surtout l'intro). Il en parle facilement car il a tellement créer de faux espoirs, que c'est devenu son quotidien. Il a tenté de rompre avec elle, elle a convaincu de continuer car elle sentait que c'était la fin. En fait, ils savent ce qui ne va pas mais quelque part ça leur convient. Car les autres choix sont compliqués et les ferait sortir de leur zone de confort, donc ils les ignorent. Il dit qu'il voit une possibilité que leur amour perdure au début, mais ensuite il s'estompe à nouveau. Une femme qui a commencé à se sentir rassurée dans une relation commencera à vous demander tout le temps si elle est toujours bien pour vous. Lui en avait assez de répondre à ses insécurités, "sa faiblesse".

Ils ont finis par se quitter, plus de contact, il se rend compte qu'il a changé et il "a perdu son identité" pour elle, ce qui signifie qu'il n'était pas la personne dont elle se serait souvenue. Il n'aurait pas était lui même et ne voulait pas laisser cette image, un "autre" lui. Quand il y avait des disputes, il la menaçait de la quitter, elle a fini par le prendre pour un hypocrite car il ne mettait pas ses menaces à exécution. La première année, il espérait un nouveau départ, une relation stable sans savoir que cela serait suivi de larmes et éventuellement de rupture. La seconde année, il a "honte" de lui-même car il n’est plus amoureux d’elle et n’en peut plus parce qu’il l’aime encore trop pour lui briser le cœur. Troisième année, Son espoir s'estompe. Il marche sans vie à cause de son chagrin d'amour, il s'oppose à l'inévitable rupture. Quatrième année : il sent que son espoir est de retour et se renforce continuellement alors qu’il l’oublie. 

 


 

Il n'est pas en mesure de trouver correctement la meilleure solution en raison de ses émotions mitigées qu'il a pour elle. Les émotions mitigées sont les sentiments qu’il a du mal à communiquer. Depuis sa relation, il a le sentiment que c’est un lent déclin et destructeur qui l’a conduit à se sentir suicidaire. Il laisse ses craintes de confiance l'avaler et il la quitte, s'enfuyant pendant qu'elle pleurait pour lui. Il est brisé à l'idée qu'elle se blesse à cause de lui, voulant se suicider. Cela le fait pleurer, une émotion qu’il montre rarement. Il y a des donateurs et des preneurs dans les relations. Il dit que dans cette relation, il est le donneur, et elle est le preneur. Il lui donne tout et elle prend tout, venant presque à se nourrir de lui et donc le détruire. Le cycle annuel se réinitialise et recommence, comme il l'a fait dans ses derniers mois qui représente novembre. "Poursuivre leurs rêves à travers les rosiers" est une métaphore pour être attiré par la beauté des roses tout en étant pris au piège par les épines acérées et déchiré en lambeaux.

Le parfum d'un ancien amoureux peut évoquer une rafale de souvenirs, bons et mauvais. C'est surtout mauvais pour lui, il est tourmenté. Les parfums le contrarient encore quelque peu. Cela le fait penser à elle quand il ne veut pas y penser car il n'a pas encore tourné la page. Il est maintenant quelque part où il est beaucoup plus à l'aise et ce "temps" a qui il avait tourné le dos a disparu, il est passé au dessus. Cela se fait en avançant et en trouvant quelqu'un d'autre pour remplacer le vide. Je dirai qu'il faut surtout faire un travail sur soi, car si une relation échoue, ce n'est pas forcément, jamais même du seulement au partenaire. Pour que cela fonctionne, les deux parties doivent être en osmose (dans les contes de fées), en accord tout simplement et s'accepter. Sinon, on façonne la personne selon nos envies et à notre image, si on dénature l'autre, c'est que dès le début, il ne convenait pas. Corrigez et pointez des défauts en se tirant vers le haut et vital, des critiques gratuites sans lumières sont néfastes et destructrices. Le mot qui doit prévaloir dans tous types de relations selon moi est "respect". 

Le fait de ne pas se parler ou de la contacter lui faisait mal. Il a donc continué à vivre sa vie sur une route difficile et à ne jamais atteindre les sommets qu'il ressentait quand il était avec elle. L'album se conclura avec "The Exception to Everything", 8 minutes de musique avec Kid Called Computer pour la première partie du morceau et Emancipator qui conclut. De toute beauté et surement le morceau le plus joyeux de l'album, une sorte de testament, d'adieu, qu'on se souvienne de lui, pas ce qu'il a voulu être ou de qui il était avant, de lui, maintenant. 


 

Première collaboration, Kid Called Computer produit "The Art Of Dying"

Il a fait ses preuves sur son premier album, en 2010 , soit deux ans plus tard, ils sortent un EP. Son album très bien reçu, a pu diviser car les producteurs étaient plus nombreux et donc moins de cohérence. Bien qu'ils ont su créer une ambiance générale, il a préféré ici, s'appuyer sur un seul et unique beatmaker. Pour certaines personnes, il est à son meilleur niveau et donc meilleur projet. Il parlera encore plus intimement de lui et des relations, il continue le travail amorcé il y a 2 ans mais encore plus poussé. Je dois avouer que c'est un excellent projet qui casse de nouveau les codes du rap conventionnels. Les morceaux tournent entre 4 et 7 minutes, beaucoup de passages sans rap, les influences sont majeures et la conception des morceaux est particulière. Sa voix est encore mieux maitrisé, ses émotions et sa déprime sont palpables. Le concept est bien pensé et brillamment réalisé. La totale liberté de l'indépendance.

Il dit que ses chansons au son très tragique sont ce qui est produit quand il est laissé tout seul et personne pour lui répondre, hormis lui-même. Il met au défi une personne de voir le vrai lui et de voir tous ses secrets et morceaux de lui, mais il dit qu'il n'y a aucun moyen parce qu'il est toujours "mort" à l'intérieur, ce qui signifie qu'il n'y a rien à voir pour personne. Il dit que si "Life's a bitch" (morceau et punchline légendaire de Nas) c'est peut être par ce qu'elle est génophobe. C'est à dire quelqu'un qui craint et rejette le sexe, quelqu'un qui vit dans la peur d’être seule, d'où le fait d'enchainer les partenaires et d’être une... bitch.

Après plusieurs écoutes (car oui j'écoute / ré écoute en boucle les projets pendant que je rédige), je me rends compte que le projet est très solide. L'un des meilleurs que j'ai écouté sur un tel format et qui surtout vient lier 2 artistes. Je dois avouer qu'au début, j'avais vraiment adoré "Ghost In The Machine", morceau qui est compliqué à qualifier tout comme l'album d'ailleurs, c'est très particulier. La voix de "Louise Fraser" était gravé en moi à vie. Cette anglaise qui fait tantôt de la pop, du rock mais surtout avec un univers proche de Sadistik, l'accompagne à merveille sur le son. Sa voix apporte une touche de légèreté et ses textes sont plus simples à déchiffrer, en apparence du moins. Le morceau est la pièce maitresse du projet mais il n'est pas la seul tuerie.

 

 

L'intro ressemble à celle de "The Balancing Act" avec un long moment musical, un sample et un long couplet. "Bed Of Flowers" fait référence à la fusillade de l'université Virginia Tech en 2007. L'une des fusillades les plus meurtrières outre-atlantique, 32 morts en plus de celui qui est à l'origine du massacre. Lourd bilan. Ce n'est pas le seul son de rap ni le premier qui en parle. C'est très bon, mais pas autant magistral que d'autres sons de sa part. 

Dans "Black Rose", il semble s'adresser à une fille, dans la continuité, il use par contre de samples d'un court métrage franco-américain "Hôtel Chevalier". En somme, la fille ne veut pas coucher avec lui car elle ne veut pas le blesser sentimentalement. Le mec, lui n'a aucun sentiment et veut juste se faire plaisir. Elle a aussi peur de ne plus l'avoir (même en temps qu'ami) mais le mec est clair : je veux juste coucher avec toi. Il ne veut pas aimer, pas être déçu ou blessé, il vit l'instant présent. 

"Save Yourself" est de toute beauté avec un sample en guise d'interlude / refrain qui vient donner encore une forme assez rare dans la musique. Il parle de l'après vie, de la mort, de la fin, et on se rejoint sur ce point. Il pense également que l'après mort n'existe pas, seul l'égo persiste, car en vrai ce ne sont que des mots. Le morceau relève d'une performance commune incroyable, le morceau démarre en douceur, ne cesse de changer, tant le tempo que la boucle, Sadistik s'y adapte et ne fait qu'un avec le son. Il accélère quand il le faut, sa bouche et son talent découpe et décompose la sample, dur de faire mieux sur ce genre de morceau, à la fin, la guitare électrique prend le dessus. 

Enfin "Divas De Los Muertos" est aussi folle, avec des samples et de sons venus de partout, l'ambiance est folle, la chanteuse Kathleen Stork ne fait qu'accentuer le tout, la boucle est bouclée. Le projet se vit plus comme un film, s'admire, se regarde, s'analyse, si les chevaux reconnaissent leur maitre, Kid a trouvé preneur à ses magnifiques beats. On ne va pas parler de concept tant l'artiste livre ce genre de lyrics, mais de qualité inouïe. Une osmose parfaite.

 


 

[Je fais volontairement l'impasse sur l'album en commun avec Kristoff Krane qui est court, sur les 10 morceaux, aucun ne dépasse les 3 minutes. Hormis leur performance technique, je n'ai pas grand chose à apporter sur ce contenu. Les fans y trouveront surement un intérêt.]

Flowers For My Father, la définition de l'art

Nous allons faire un bond dans le temps et atterrir en 2013. Le père de Sadistik comme je l'ai évoqué plus haut et décédé pas longtemps après "The Balancing Act". Sadistik a décidé de lui dédier un album entier, chaque morceau est une sorte de mise à jour par rapport aux dernières infos qu'avait son père concernant tel ou tel sujet. Chaque son est comme une fleur qu'il dépose sur sa tombe. Les morceaux sont riches, je vais tenter d'en tirer le meilleur de chacun. Le premier son se nomme "Petrichor", seul son produit par Kid Called Computer (largement dispensable pour le coup). 

Pétrichor est un mot anglais, il est formé à partir du grec petros, pierre et ichor, le sang des dieux dans la mythologie grecque. En fait c'est l'odeur que prend la terre après une grosse pluie, elle émane de la terre, généralement quand il fait sec et chaud. On dit que l'odeur est agréable. Ce morceau libère vraiment les émotions de Sadistik, plus précisément le deuil et les addictions qui accompagnent une perte. Il est nettoyé par l'effusion torrentielle de ces émotions de tempête. Tout comme la terre est nettoyée par la pluie, qui est un événement temporaire, Sadistik est régénéré et guéri. 

Les émotions ont tendance à pourrir lorsqu'elles sont enfouies au fond de nous et qu'elles ne s'expriment jamais. Il oppose l'existence des personnes autour de lui dans le monde physique, avec son existence dans ses propres pensées et les mots des autres. Il déclare qu'il creusera profondément pour se trouver / être lui-même jusqu'à ce qu'il s'effondre ou qu'il s'enfonce jusqu'à ce qu'il ne puisse plus.

Dans le morceau il dira qu'il est heureux, il ne veut pas savoir pourquoi ni comment mais il veut continuer à vivre ce moment. Son monde s'est effondré, il est toujours resté le même malgré que les gens aient voulu le changer. S'il doit mourir dans l'anonymat, il le fera mais, il ne veut pas qu'on le change. La musique est la vie de Sadistik, alors au lieu de déposer des fleurs sur le cercueil et la tombe, il dédie cet album à son père. Un album sur lequel il a passé des années à travailler et à se perfectionner, à sortir comme son ultime témoignage de respect pour son père. C'est ce qu'il veut que son père ait de lui - la seule chose dans laquelle il a consacré le plus de temps et y a mis tout son cœur.

 


 

Le second morceau et qui aussi l'un des singles, "Russian Roulette" fait apparaitre plusieurs invités de renom : Cage (rappeur qu'on entendait plus trop), Yes Alexander (voix masculine découvert aux cotés de Jedi Mind Tricks, entre autres) et les producteurs Blue Sky Black Death. Eux n'ont plus rien à prouver et vont produire quelques sons sur l'album pour le plus grand bonheur de leurs fans. Sadistik dégaine le premier en parlant du système limbique qui représente le côté émotionnel du cerveau et participe à la formation des souvenirs. Le système limbique est principalement occupé par des émotions concernant la survie, comme l'alimentation et le sexe.  

Sadistik dit aussi que la plupart du temps, il a le sentiment qu’il est occupé à survivre. Sadistik pense que son système limbique est hyperactif, ce qui entraîne vraisemblablement une intensité d'émotions et de souvenirs vifs. Il voit cela comme quelque chose de négatif, il se voit comme une victime. Être victime signifie être contrôlé par (quelque chose / quelqu'un). Les émotions le contrôlent et détiennent le pouvoir sur lui. Il finit son couplet en évoquant l'histoire de "The Tell-Tale Heart" (Le Cœur révélateur) qui est est une nouvelle publiée par Edgar Allan Poe en 1843. 

Le doux refrain de Yes Alexander ne doit pas cacher le coté violent des propos. Il chante du point de vue d'une femme, qui observe le comportement autodestructeur du narrateur masculin. Elle compare les lésions cérébrales qu'il se fait à lui-même à se percer avec un tube d'acier dans la tête. Cage rentre directement avec une question claire : Choisirez-vous la facilité pour le reste de votre vie, ne portant rien, n'ayant ainsi aucun problème, ou porteriez-vous une croix (expression courante pour avoir des problèmes) jusqu'à la fin de vos jours ? Ce rappeur est diagnostiqué bipolaire, maltraité par son papa, il a connu la psychiatrie et de multiples problèmes, la drogue a longtemps était son quotidien (en plus de ses textes). 

Il préfère être accompagné d'une fille que de tuer le temps seul, il a besoin de se défouler. Il n'est pas dupe et ne croit plus non plus à l’âme sœur. Les pharaons sont morts il y a très longtemps, c'est donc une façon sarcastique de dire qu'il semble plus probable de trouver l'un d'eux que de trouver une âme sœur (c'est ce qu'il fait comprendre). Il demeure assez positif ici, la fille qu'il décrit tombe parce qu'elle essaie de trouver son âme sœur. Il dit qu’elle devrait commencer à vivre sa vie pour elle. Elle sera tellement plus heureuse lorsqu'elle cessera de se soucier de trouver l'amour. Ce sera comme le début d’une nouvelle vie. Elle pourra enfin se tenir debout sur ses deux pieds. Comme quand elle a arrêté de ramper.

 


 

Le morceau "City In Amber" pourrait se résumer facilement, Sadistik regarde Seattle et voit la ville illuminée d'une lueur orangée, un spectacle qu'il trouve comparable à un insecte enfermé dans de l'ambre. Mais au lieu d'un insecte enfermé dans l'ambre, c'est la ville ainsi que les habitants de Seattle, avec toute leur joie et leur misère qui sont préservés à l'intérieur. C'est le premier son de l'album produit par Blue Sky Black Death, excellent entrée en matière. Une autre artiste de Seattle est présente : Lotte Kestner, ces deux là se retrouveront ensemble sur des morceaux. Le morceau fait office d'interlude.

Le morceau "Snow White", c'est l’histoire qui parle d’essayer de vivre avec un toxicomane comme amant. Sous la surface de l'histoire étrange, vous pouvez trouver de merveilleux jeux de mots.

"Yeah I sit beneath a plaster moon
Puff puff pass the gloom and watch the ashes bloom
Black balloons float above me singing saddest tunes
"

"Black Balloons" est une référence à la fumée. Ces lignes sont essentiellement une image d'une personne assise à l'extérieur dans le noir réfléchissant, tout en fumant une cigarette. La classique réflexion sur la vie, cigarette à la bouche bien sur. Le goudron noir est l'héroïne, qui est généralement vendue dans des ballons non gonflés, et est de couleur noire. Les ballons noirs flottant au-dessus de lui sont une sorte de taquinerie ou de dépendance englobante. Quelque chose juste à portée de main le taquinant en flottant autour de sa tête. La drogue lui chante les airs les plus tristes puisque la drogue est un dépresseur. Il se peut qu'il fume avec d'autres personnes et se passe la drogue / la morosité (puff puff pass the gloom). 

Même s'il est déprimé, généralement de mauvaise humeur et a des pensées très basses sur lui-même, il ne s'ouvre jamais et ne le révèle à personne; au lieu de cela, il met un faux sourire et prétend que tout va bien. C'est un phénomène très normal chez les personnes déprimées. La dépression commence un cercle sans fin - plus vous vous sentez déprimé, moins vous êtes enclin à vous ouvrir, car vous pensez que les autres se moqueraient de vous ou vous mépriseraient à cause de votre "faiblesse".

 


 

Second arrêt sur ligne : 

"A powdered nose and some make-up might erase the strife"

(Un nez poudré et un peu de maquillage pourraient effacer le conflit / traces / marques)

Un double sens incroyablement intelligent, décrivant l'essence même d'un toxicomane. Avec la même phrase, il parvient à décrire l'action des filles avant et après qu'elle renifle de la cocaïne. 

- Elle utilise de la cocaïne pour échapper à ses problèmes et les laisser disparaître temporairement. Pendant qu'elle se drogue, elle va parfois boire, donc elle se maquille - un autre "masque" pour échapper aux problèmes. Elle essaie de se débarrasser des problèmes de cette façon.

- Se poudrer le nez est quelque chose que les femmes utilisent comme une phrase polie pour aller aux toilettes. Cela signifie aussi sortir et revoir vos vêtements, vos cheveux, etc. Cela se rattache également à la partie maquillage de la ligne. "Strife" peut renvoyer à "rayures", les rayures indiquent comment la cocaïne est généralement alignée avant de renifler. Elle croit naïvement qu'elle peut cacher les abus à Sadistik simplement en se maquillant. 


En somme, tout ce dont elle pense avoir besoin, c'est d'un nez poudré "qui fait référence à de la drogue" et un certain maquillage fait référence au fait qu'elle met une couverture (un masque) et elle espère que cela suffit pour l'aider à ignorer le problème. 

Il fait ensuite pas mal de métaphores avec blanche neige (cocaïne / poudre blanche / rouge à lèvres et nez plein de sang à cause de la coke...). En se détournant l'un de l'autre pendant son sommeil, il déclare clairement que leur relation s'effrite. Cela indique un manque de passion entre eux et un signe clair qu'aucun d'entre eux ne veut s'ouvrir et laisser l'autre entrer.Cela fait comprendre à Sadistik qu'il est peut-être temps de passer à autre chose.

 



Le morceau "The Beast" est clair dès l'introduction : La métaphore de "la bête" peut être expliquée de deux manières : Les sentiments sombres du narrateur peuvent être représentés comme un monstre qui l’attaque / Le narrateur se sent si laid qu'il se considère comme une bête ; les gens pourraient avoir peur de lui. Une punchline explique bien le truc quand il évoque la parabole : Une parabole est une histoire simple utilisée pour raconter une leçon morale ou spirituelle.

"The Ugly Duckling" est un conte de fées littéraire. L'histoire raconte l'histoire d'un petit oiseau simple né dans une basse-cour qui souffre des mauvais traitements de la part des autres autour de lui jusqu'à ce que, à sa grande joie (et à la surprise des autres), il devienne un beau cygne. Les chasseurs de canards sortent pour tuer les canards pour le dîner, et normalement les canards s'enfuient. Cependant, ce canard a littéralement plongé dans le tonneau. Il veut se faire tirer dessus, il veut mourir. 

Il dit s'il vous plaît tirez-moi. Cela revient au point principal de la chanson (la parabole) qui consiste à se sentir moche. Même si le vilain petit canard s'est transformé en un magnifique cygne, il se sent toujours moche à l'intérieur. C'est pourquoi on l'appelle le vilain petit cygne.

Il fait aussi référence au mythe de Vertumnus contre Belides. Comme le raconte l'histoire, Vertumnus (dieu romain des saisons, de l'agriculture et des jardins) est devenu complètement enchanté par la nymphe, Belides. Vertumnus était tellement séduit et épris de Belides - comme un harceleur - qu'il devint obsédé, et ne cessera pas de harceler Belides avec ses affections indésirables. Étant la douce nymphe qu'elle était, Belides s'est transformée en un champ de marguerites plutôt que de blesser les sentiments de Vertumnus en lui disant de "faire une randonnée, mon pote". Cela peut peut-être démontrer son obsession pour son amour et revenir à la première contribution, il pourrait faire référence à son amour ne l'aimant pas en retour malgré son obsession. Il fait également référence aux marguerites, qui étaient surnommées "love-me-not" parce qu'elles étaient souvent utilisées pour tirer les pétales une à une, et jouer le jeu "elle m'aime, elle m'aime pas". 

 

 

 


 

Solitaire et sans ami, il n'a pas de contact en dehors de sa musique. De plus, il compare son appartement à une fosse vacante, ce qui pourrait faire référence au désordre, car il ne fait pas attention à l'ordre, en raison de sa dépression. Par conséquent, ses amis et sa famille ne veulent plus lui rendre visite. Il se compare à une poupée vaudoue (de relations), ce qui signifie qu'il a été maltraité par une femme. Comme il était tellement aveuglé par l'amour, il s'est accroché à la relation, même s'il savait qu'il devait souffrir psychiquement. Il dira aussi qu'il fait de la musique pour sa propre thérapie et santé mentale, pas pour dominer le top vente.

Sadistik a tendance à dénoncer les gens (et la société) pour ses défauts, ses hypocrisies et ses lacunes. Pour ceux qui ne sont pas informés, il peut sembler qu'il ne fait que déclamer et dire aux gens comment vivre leur vie; en réalité, il se moque d’eux. De manière spirituelle, Sadistik dit que, si vous lui demandez comment éviter les masses insensées, il vous dira probablement simplement de vous suicider. Si ce n’est pas ce que vous recherchez, soyez patient et persévérez.

"Kill The King" est un morceau en hommage à son ami / mentor et une personne qui l'a inspiré : Michael "Eyeda" mort en 2010. Kno produit, Deacon The Vilain assure le refrain, cela marque la première collaboration entre Sadistik & Cunninlynguists. Je vous renvoi à ma chronique entre le feat de Sadistik & Eyedea, si vous voulez en savoir plus sur ce dernier. 

Un morceau dans l'album se nomme d'ailleurs "Micheal", c'est le premier single de l'album. La chanson parle du regretté rappeur Micheal "Eyedea" Larsen, basé au Minnesota, et  plus précisément des traces qu'il a laissées sur Sadistik avant et même après sa mort prématurée. Le premier couplet parle de la façon dont Sadistik a fait face à la mort, ainsi que des circonstances qui l’entourent du point de vue de Sadistik. Le deuxième verset traite davantage de la réponse émotionnelle que Sadistik a traversée et qu'il est en train de traverser. La piste se transforme en moins un deuil de perte, plus une célébration (et continuité) de la vie. Sadistik s'est fait tatouer en souvenir de Micheal, pour peut-être aider à faire face à la perte. Il sera toujours avec lui dans son cœur et ses souvenirs, mais maintenant aussi dans sa chair.

 


L'une des plus grandes craintes de Sadistik est qu'il mourra essentiellement en vain - c'est-à-dire qu'il ne laissera pas d'héritage durable ou quoi que ce soit de mérite. C'est probablement en réponse aux sentiments qu'il a portés depuis la mort de Micheal; il a vu les effets et les impacts profonds de Micheal sur tant de gens. Il aspire aussi à laisser une marque et qu'il puisse aspirer à être ne serait-ce qu'un fragment de l'homme qu'il considère tellement, soit Micheal "Eyedea".

Il prend à cœur les compliments que les gens lui font par rapport à la façon dont il décompose les mots et les expose de manière vivante (via le rap). Ce qui se rapproche de la perfection poétique équivalente à la peinture d’un peintre renommée. N'est-ce pas ce que je fais à travers cet article ?

Ses paroles sont mal interprétées parfois et sont décrites comme étant insensées et donc ont le qualifient de fou. Il ne peut pas expliquer parfaitement les choses dans son esprit quand il en parle. Mais il peut les décrire de manière très vivante en écrivant ses paroles. Il présente les traits de la vie troublée d'un artiste, avec ses avantages et ses inconvénients, à tout individu en herbe qui souhaite emprunter cette voie nocive.  

Un proverbe allemand dit : si vous voulez l'égalité, allez au cimetière. Dans le sens pourquoi se soucier de là puisque la mort est la finalité ? Cela lui correspond bien je trouve. Sadistik pose l'idée que vous êtes piégé dans votre propre corps. Que vous croyiez ou non aux âmes, c'est un fait que la seule chose qui vous empêche d'atteindre tous vos rêves, ce sont les incapacités de votre corps physique. Pour finir sur l'album, je dirais que la seconde partie est beaucoup moins bonne, dû en partie à la quasi-non-présence de productions de Blue Sky Black Death ou autres grosses productions.

Je pense que je peux arrêter mon premier article sur Sadistik. Je pensais en faire un et en fait je me rends compte que j'ai couvert seulement ses 3 premiers projets. Même pas la moitié de sa discographie en vrai. A suivre....

 


 

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