[Chronique son] Dr. Dre - Some L.A Niggaz feat Mc Ren, Time Bomb, King T, Knoc-Turn' Al, Kokane, Hittman, Xzibit & Defari



 

Pas un posse song mais on peut presque le considérer comme tel tant il y a d'artistes qui posent dedans. Un posse song désigne les sons ou les rappeurs enchainent les couplets sans qu'il y est un refrain pour sonner la mi-temps. Posse vient de possie qui signifie son équipe, son groupe, son entourage... Des groupes comme Three 6 Mafia (Fonky Family aussi avec "Esprit De Clan") avait popularisé ce rituel en finissant tous leurs albums par un posse song réunissant tous les artistes signés à ce moment là sur le label. Beaucoup d'entre eux sont d'ailleurs mémorables, ça s'est propagé et des artistes du label ont fait de même et même dans leurs propres albums en plus du final, on pouvait trouver d'autres posses song. On en trouve aussi dans le rap français mais c'est moins fréquent tout de même. Si vous tapez "posse song" sur google, les premiers liens vous enverront directement sur des sons estampillés : Hypnotize Minds Records (Three 6 Mafia). 

C'est pratique dans le sens où ça permet de faire poser plein d'artistes qu'on voulait avoir sur l'album mais qu'on n'a pas pu avoir sur d'autres morceaux. Cela permet aussi des collaborations inédites, de rencontrer d'autres artistes et contribue souvent à des sons de qualité. Et pour finir à des batailles d'ego interposé et indirect car chacun veut montrer qu'il est le plus fort et s'illustrer plus que les autres. Je ne considère pas le rap comme une compétition mais dans ce genre de sons, ça l'est quelque part. Donc forcément, certains artistes passeront à la trappe (parfois malgré leur prestation) tandis que d'autres vont attirer tous les projecteurs. Cela permet aussi à l'auditeur de découvrir parfois des inconnus qui ont du coffre et qui valent le détour. 

Mais ici on est en 1999 avec l'un des meilleurs albums de rap de l'histoire, la preuve est que 20 ans plus tard il est toujours d'actualité. Je n'étais pas très fan à la base de ce son, pourtant représente bien L.A au niveau des sonorités et de ce qu'on peut en attendre. La liste des rappeurs d'un premier coup d’œil n'est pas exceptionnelle dans le sens ou on est à L.A et des talents ça n'en manque pas. Et c'est aussi la tout le pouvoir du docteur qui a su les mélanger et orchestrer ça de façon à ce que ça tourne encore 20 ans plus tard ! Concernant la production qui est magistrale, elle n'est évident pas de Dr. Dre dans son intégralité car nous avons le talentueux Mike Elizondo à la basse. Sean Cruse à la guitare et Camara Kambon au piano. Notons que ce n'est pas la première fois que le docteur fait appel à eux, mais la question est qu'a-t-il fait dans le morceau ou lui-même ne rappe pas...

Le rap de Los Angeles


Mais ce n'est pas le seul à ne pas rapper car son compère de N.W.A : Mc Ren en fait autant. Première collaboration entre les deux artistes depuis 1991, année ou le groupe fut dissout. Dans une interview il explique qu'il ne rappe pas dans le morceau car un rappeur "à pleurer comme une s****e pour avoir un couplet". Dans l'introduction, il met en avant les rappeurs et la ville de Los Angeles en disant qu'il faut y prêter attention car à cette époque, le rap de la West venait principalement de là. Bien que quelques classiques et des albums de qualités méconnus du grand public aient fait surface notamment grâce à la g-funk. Le dirty south avec Houston, Outkast, No Limit Records, Memphis... 

Le Midwest avec les Bone Thugs-N-Harmony qui profité alors du beef East / West pour se faire une place et collaborer avec les deux cotes. Mais aussi la révélation Eminem, Tech N9ne à Kansas City et Chicago avec Do Or Die, The Legendary Traxster, Common, Twista.... Et bien sur la East qui sortait classique sur classique (sa meilleure période avant son déclin total) ! Alors oui L.A devait collaborer, se soutenir et travailler ensemble pour que leur musique résonne à travers le monde. Et l'objectif est largement atteint avec ce morceau mais surtout avec cet album qui fera le tour de toutes les hifi du monde.


Place aux couplets

 



 

Chaque rappeur débute son couplet (ou presque) en intégrant une ligne / punchline célèbre d'un rappeur de L.A. Ainsi Time Bomb, parfait inconnu qui lâche un couplet mémorable et qui en laissera plus d'un sur le carreau (dont moi haha). Aussitôt arrivé, aussitôt parti. J'ai fais appel à toutes mes compétences et toutes mes connaissances pour retrouver cet inconnu mais rien. Il a sorti juste un single avec Knoc-Turn' Al et Slip Capone produit par Fredwreck et un autre avec Battlecat. Il est crédité sur un ou deux morceaux mais c'est tout. Quel dommage ! Il est en revanche un battle rappeur et aux E.U s'est très répandu. Assez bizarre de voir un tel couplet, un tel talent posé sur un classique qui a fait le tour du monde passé presque inaperçu et qu'il n'ait pas engagé de carrière. 

Il commence lui son couplet avec "Now in my younger days I used to sport a rag", il à juste utilisé "rag" en référence au do-rag (très en vue à l'époque) au lieu de "shag". La phrase est utilisé la première fois par Bootie Brown des Pharcyde sur le classique Passin' Me By. Beaucoup de rappeurs en portent de couleur ou nom et c'est aussi une façon de marquer son appartenance à un gang, ce qui signifie qu'étant jeune, il était peut-être dans un gang. Juste après il nous dit qu'il se balade avec un sac à dos plein de bombes de peinture et son magnum, il est là pour marquer son territoire. 

Il finit par confirmer ça en disant qu'il porte du bleu depuis toujours, couleur des Crips, surement le plus grand gang de la ville avec les Bloods, leurs éternels rivaux. Si on ne sait pas grand-chose de ce rappeur, on apprend tout de même qu'il est du sud de Los Angeles, du coté de Leimert Park plus précisément du quartier Creenshaw qui appartient au district de South Central. La communauté afro et hispanique est de loin majoritaire dans cette partie de la ville. Lui en a fini avec la violence bien qu'il soit armé et qu'il soit prêt à shooter les petits jeunes qui se prennent pour des caïds, donc il réfléchit et les refroidit autrement. Technique et parsemé de jeux de mots, c'est très bien mené d'A à Z. Il finit avec un dernier clin d’œil aux Crips qui confirment son appartenance au gang. À noter qu'il se cale parfaitement sur la rythmique en posant ses rimes sur la basse, pas courant à l'époque.

King T (King Tee) fait son entrée avec le mythique "Straight Outta Compton" dont lui-même est Dre son originaire et qui fait bien sur référence au classique de N.W.A. En s'illustrant ainsi, il fallait oser et pouvoir le faire et c'est bien le cas, car lui aussi est un vétéran et à de quoi bien se défendre. Il est en effet à la tête de son propre label : King T Inc, il a par ailleurs beaucoup collaboré avec et au succès du groupe Tha Alkhaoliks bien qu'il n'en fasse partie. Le magazine complex en 2012 le place 11ème dans sa liste des rappeurs les plus sous-estimés de tous les temps. Il sera aussi dans les jeux de mots mais c'est surtout son flow et son charisme qui vont faire la différence. Il est considéré comme un pionnier et a inspiré et aidé pas mal de talents sur la côte. Il ne place par contre pas de décidasses aux gangs et autres mais plutôt aux rappeurs présents sur le morceau, ses potes et le doc. Son couplet est bien placé et précède le refrain opéré par Kokane & Knoc-Turn'Al. Du coup, pas besoin de vraiment reparler d'eux car je les ai présenté ici et ici.




 

Il se constitue de quatre lignes mais est vraiment bien mené, étant donné leur talent et leur voix naturel déjà particulière. Ils fument, boivent, ride... La vie à L.A. et si tu veux survivre :
- Fume de la weed pour oublier tes soucis
- Si tu n'as plus rien à fumer, bois de l'alcool
- Sors armé pour ta propre défense


Partie 2 

 

Le refrain terminé, c'est Hittman, le protégé de Dre à l'époque, celui qui devait tout exploser d'après lui. Et comme tant d'autres, il n'en est rien, malgré le talent, le casting d'ouf qui devait collaborer, la présence du rappeur sur 10 morceaux de l'album... Pourtant il avait un single de prêt qu'il tournait bien mais il a quitté le label car son album a été mis en suspens et n'est finalement pas sorti sur Aftermath. Il finira par sortir deux albums sur un autre label. Encore une fois, quel dommage et quel talent gâché par ce label qui avait tellement de monde sous signature et prêt à exploser en surfant sur le buzz du classique. Lui reprend une phrase d'Ice Cube "Give me that beat, fool, it’s a full time jack move" tiré de Jackin' For Beats qui rappera "Gimme that mic fool, it's a West coast jack move". Hitt d'après son couplet a été appelé ainsi car la rapidité de son flow et ses textes rugueux rappel la puissance du gatling gun (mitraillette rotative montée sur roue).

À son tour il en place une pour ses potes Macz Crew tout en balançant des shoot outs à sa marque de chaussures favorites, son lycée... Il en profite aussi pour évoquer la dure vie de la rue et des gangs qui y règnent. Visiblement il ne fait pas partie des Bloods ou Crips car il dépouille n'importe quel type même s'il est dans l'un de ses gangs. Et il ne se laisse pas faire car il aurait secouru Dane Dane, un rappeur qui avait la cote à cette époque et qui a failli se faire voler ses jantes. Il est prêt à en découdre mais seulement avec sa AK47 ou son 9mm. Il a vite choisi entre un street fight ou un gun fight. Il finit sur une note positive en mettant en avant ce qu'il aime chez lui : rider, soleil, des meufs venus de tous les horizons...


Le quatrième couplet fait entrer le rappeur le moins californien de tout le morceau : Xzibit. Il est à Detroit dans le Michigan et donc loin du soleil. À la mort de sa mère, quand il avait 10, il a suivi son père dans le Nouveau Mexique jusqu’à ses 17 ans, âge ou il a rejoint définitivement Los Angeles. Le morceau met en avant les rappeurs de L.A donc c'est à noter mais il y est resté fidèle et c'est toujours son cas d'ailleurs. Lui pour représenter la ville, il choisit la phrase "I was raised in the hood called WHAT-THE-DIF'" rappé par Volume 10 sur le morceau "Pistol Grip Pump". En utilisant cette phrase il fait aussi référence au morceau "What's The Difference" de Dr. Dre, Eminem et lui-même déjà présent sur l'album Chronic 2001.  

Autre fait amusant, dans le morceau il critique Hollywood mais finira par s'y faire une place avec son émission (Pimp My Ride). Il fera une référence aussi à Mc Ren qu'on entend dans l'introduction du morceau, à noter qu'il réutilisera le terme "Multiply" car il sortira plus tard un single avec l'indispensable Nate Dogg. Il finit par une possible référence à Ice Cube en disant que si tu essayes de le clasher, tu seras tellement en mauvaise posture que tu mettras fin à ta vie tout seul.
 

On arrive avec le dernier couplet posé par Defari qui venait de sortir son album "Focused Daily" qui était de très bonne augure. C'est surement le MC le plus discuté du morceau, d'une il n'a aucun lien avec le doc ou sa clique, c'est leur seule et unique collaboration, les styles sont très différents, il n'était pas très connu à l'époque, il aurait pu largement trouver mieux sur L.A et de loin... Plusieurs raisons me font penser que c'est lui dont parlait plus haut Mc Ren. Après son couplet est bon, mais il est court, c'est le plus court de tous. Il fait une référence en commençant son couplet à Ice-T et son "Six in the mornin'". Lui tout comme Xzibit ne fait pas partie des Alkaholiks mais sont très fortement lié, et quelque part ont étaient pris un peu sous leur aile par King T.

 

Car tout ce beau monde fait partie d'un gros collectif créé par T et nommé Likwit Crew qui est composé du groupe The Alkaholiks (E-Swift, Tash, J-Ro), Xzibit, Defari,  Phil Da Agony, Lootpack (Dj Romes, Madlib & Wildchild), Styliztik Jones, Declaime, J. Wells et Barbershop Mc. Et non officiellement on peut ajouter les groupes Dilated Peoples et Strong Arm Steady. Et enfin un groupe s'est formé les Likwit Junkies composés de Dj Babu & Defari qui ont sorti un album en 2005 d'excellente qualité : The L.J's

Le morceau se termine avec un refrain et la répétition de : That's how we ride... Simple et courte mais en dit long si on regarde bien. Los Angeles est très apprécié par les low rider (les voitures à suspension hydraulique) et c'est un mode de vie là-bas de rider avec ce genre de voiture. Un clin d'œil au morceau Let Me Ride de Dr. Dre sorti sur son précédent album où il expliquait comment rider et quelque part est devenu un hymne à la ride et sa culture. La ride c'est aussi le but de ce morceau, lentement, décontracté, dans une caisse sympa, en fumette...  Placé à la fin, ça vient confirmer ce qui a été dit dans les couplets et c'est un mode de vie à L.A donc fini avec était parfait. C'est le package du rap de Los Angeles, le gangsta rap.



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