[Chronique son] Fonky Family - Cherche Pas à Comprendre


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Bien que j'écoute plus vraiment de rap français, et que je préfère de loin le rap us (saute le pas comme je l'ai fait il y a quelques années, tu ne regretteras pas ;). J'ai en tête des classiques et des morceaux qui m'ont bercés durant mon enfance. C'était mon groupe préféré quand j'étais jeune et j'ai écouté tous leurs albums, solos, groupe, hors série, live, tout ce qui les concernait. Ce son restera quand même pour moi un classique, je ne comprenais pas tout étant jeune mais je kifais. Aujourd'hui, j'ai donc décidé de faire un peu de rap fr, de vous faire découvrir ou vous faire replonger dans l'un des titres phares du rap français et un morceau avec lequel j'ai grandi. Sorti en 1998 sur l'album "Si Dieu Veut...", c'est la piste 2 de l'album, on ne pouvait pas la louper et j'estime toujours que le morceau qui ouvre doit mettre dedans, et c'est le cas.

Je partage une citation du producteur du groupe Pone :
 
‘Cherche pas à comprendre’ fait partie des premiers sons qu'on a enregistrés pour “Si Dieu veut…”, avec ‘Sans rémission’ et ‘Tu nous connais’. J'ai produit le beat chez moi, sur un sampler S 3200 XL d'Akaï et Cubase pour séquencer, sans doute fin 1996. Je suis parti d'une espèce de sample de saxophone ; là je ne me rappelle plus exactement du titre. Je revois la pochette du disque : il y avait un train dessus et écrit “Orient Express”, je crois. J'ai encore le vinyle à la maison. Je l'ai réécouté il y a quelques temps, et même moi j'ai eu du mal à retrouver le sample : c'est un passage perdu au milieu d'un morceau, et que j'avais en plus ralenti à mort. Et pour l'intro de ‘Cherche pas à comprendre’ c'était un sample du titre ‘Sometimes in winter’ de Blood, Sweat & Tears.
 
Il est bavard pour notre plus grand plaisir et continue ici :
Ça date d'une période où je passais mon temps à faire du son, parfois plus de 15 heures par jour. Je travaillais beaucoup de nuit, jusqu'à 4 ou 5 heures du matin. A l'époque, Le Rat Luciano, lui, était au contraire un lève-tôt, un truc de malade ! A 8h du mat' il venait sonner chez moi. J'étais à l'envers, mais aussi content de me lever vu qu'on faisait ce qu'on aimait. Je lui faisais écouter les instrus que j'avais faites pendant la nuit – généralement deux ou trois. La plupart du temps il y avait quelque chose qui lui plaisait donc il écrivait et on commençait direct à enregistrer. C'est pour ça que je me retrouve aujourd'hui à avoir des tonnes de morceaux du Rat datant de l'époque, qui ne sont jamais sortis, et qui sont parfois des tueries que j'aurais aimé placer sur “Si Dieu veut…”. Mais Le Rat avait déjà un solo sur l'album [‘Les mains sales’] et ne voulait pas en avoir plus… Et pourtant je me suis bagarré avec lui pour ça ! [rires]

Les couplets de ‘Cherche pas à comprendre’, comme beaucoup d'autres, ont été écrits chez moi. J'habitais en colocation avec DJ Djel et Don Choa, dans un appartement à Belsunce, dans le centre de Marseille. C'était un peu le QG du groupe. En général ça se passait comme ça : Le Rat débarquait le matin, puis Sat et Menzo un peu plus tard, vers 14h. Tout a été écrit là, dans ma chambre.


Pour l'anecdote, quand on est allé maquetter pour “Si Dieu veut…”, j'avais cette instru, que j'avais enregistrée sur DAT. Il durait trois minutes et quelques. Comme le morceau était plus long, on a mis l'instru deux fois d'affilée sur la bande – à l'époque il n'y avait pas Pro Tools, et je n'avais pas pris mes machines avec moi vu qu'on était parti dans un studio à Martigues. C'est pour ça qu'il y a cette coupure au milieu du couplet de Sat, avec l'instru qui s'arrête puis redémarre. On pensait que c'était seulement temporaire, pour se dépanner et pouvoir poser… Mais finalement en le réécoutant on a trouvé que ça faisait un truc pas mal et plutôt original, donc on l'a gardé, même quand on a enregistré le morceau en studio pour “Si Dieu veut…"


Voilà des infos très intéressantes et de sources sures.

Le morceau commence directement avec le refrain :
Dans la vie, cherche vraiment pas à comprendre 
Faut que tu vois ça, que tu le vives  les jeunes vont t'surprendre 
On a du vice à revendre, et du pognon à prendre 
L’État nous baise et tu le sais, on va se défendre

Eux c'est simple, ils sont là pour parler avec leurs armes, ce qu'ils sont, ce qu'ils ont et comment ils vivent leur vie. Pas des donneurs de leçons ou de faiseurs de morales. La vie c'est pas toujours comme on veut mais plutôt comme on peut et l'égalité des chances n'existe pas. Celui qui nait dans une famille aisée aura plus de facilité à avoir accès à la connaissance, à la culture, à se payer des études, se payer une licence sportif...

Pour s'en sortir dans des situations désespérées, on tente souvent l'impossible quitte à dévier des lois fixé par la société humaine. Don Choa lui est resté dans le droit chemin et l'affirme mais ne demande pas de médaille pour ça mais c'est pas pour autant qu'il a eu une meilleure vie. Malgré tous les SDF dans la rue, les cartons et les couvertures le long des murs, il y a de l'argent à gagner quand on voit toutes les belles voitures qui viennent contraster avec cette misère. La rue offre un spectacle assez glacial à vrai dire, deux mondes différents cohabitent sur un même sol. Clairement, il dit être dans la galère et qu'il est prêt à manger des pierres pour se remplir l'estomac, ce qui lui donnera une sensation de plein et lui coupera la faim. Couplet court et efficace. Retour du refrain avec Menzo qui vient lui enchainer son couplet. Il n'apporte pas d'élément nouveau, son passage est assez bref mais agréable.


Viens au tour de Sat, qui selon moi lâche le meilleur couplet. Son flow est bien plus fluide, plus percutant et entraine de suite. Il donne une vision de son quartier, ce qu'il y vit, ce qu'il y voit, les galères à la maison avec son frère et sa mère, il doit (t)rimer pour 3. Il en place une aussi pour le rappeur Fellaga qui est en prison et qui est très proche du groupe. C'est pas de sa faute s’il est né comme ça, il fait avec ce qu'il a et s'en sort du mieux qu'il peut mais rien n'est facile. Reporter du ghetto mais sans censure en quelque sorte. Ensuite arrive cette fameuse coupure évoquée par Pone plus haut,

Le Rat Luciano enchaine et fini le morceau. Il en place une direct contre les flics qui l'appellent ici Robocop & Wonderwoman, deux références à des personnages du cinéma. Son couplet comme tous les autres respire la rue, plus encore le sien, il parle cache, direct. Il ne fait pas de détour et montre clairement sa rage contre l'état. Il fait une excellente sensation, beaucoup le considèrent comme le meilleur couplet et le mieux écrit. Il est à noter que les deux derniers couplets du morceau sont plus longs que les premiers. Excellent morceau dans l'absolu qui définit bien le style du groupe et qui va les accompagner durant des années dans leur fabuleuse carrière. Il n'existe hélas pas de visuel pour ce morceau qui en aurait surement mérité un, mais on trouve le son ici.



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