[Chronique] Panik - Coloring Outside the Lines


 

1. Intro   
2. Soul Shine (feat. Vic Spencer)   
3. God Given (feat. Vakill, Mc Juice, Astonish & Dj Scend)   
4. Queen Until (feat. Psalm One)   
5. Mama Let That Boy Sing (feat. Cambatta)   
6. Things We Couldn’t Mention (feat. Gavlyn & Dj Dub Plates)   
7. Gaillardia Soul   
8. Respect It (feat. Navarro & Dj Scend)   
9. Coloring Outside the Lines (feat. Visual, Mom & Dad)   
10. Biscuits (feat. M-Dot, Virtuoso, Anthony Grant & Dj Scend)   
11. To the Top (feat. Jamal Science)   
12. So Whatcha Want (feat. Grand Daddy I.U)   
13. More Than Life (feat. Tunnel Movement)   
14. Lost My Mind (feat. Johnny Gunnz)

 

Localisation : Chicago, Illinois

 

Année : 2019

 

 

Quelle ne fut pas ma surprise quand je suis tombé sur ce projet en juin 2019 ! Totalement gratuit, j'étais aux anges. Le format physique est aujourd'hui disponible pour une dizaine d'euros. Car il faut dire, que l'homme qui a fait les grands jours de l'underground de Chicago qui a officié au sein des Molemen et propulsé des artistes de Chirak en avant se faisait discret ! C'est en 2014 qu'il faut remonter pour entendre ses productions pour des rappeurs ou en tant que tape instrumentale. 6 ans donc que ce génie se faisait discret. Je le suis sur les réseaux sociaux, je vois qu'il charbonne et poste souvent des vidéos où on le voit concevoir un beat. Mais il n’annonçait jamais rien...

Pour ceux qui ne le connaissent pas et se demandent pourquoi j’adule tant ce beatmaker, je vous renvoie sur mes deux articles sur Chicago :

[Dossier] Chicago - La ville qui ne trouve pas sa place [Partie 1]

[Dossier] Chicago - La ville qui ne trouve pas sa place [Partie 2] 


Le moins, qu'on puisse dire, c'est que cette sortie lui a donné un coup de boost, car il a enchaîné ensuite un album instrumental et un autre avec groupe All Natural, vétérans de Chicago. Mais nous sommes ici pour son projet à lui, il ne rappe à aucun moment de sa carrière, il produit juste. Ce qu'il fait sa force, c'est qu'il utilise des instruments moins communs dans le rap dont : l’accordéon, l'orgue, flûte, harmonica... Je ne saurais pas dire d'où vient son inspiration, mais il a une patte bien colorée.

Il est complet, car il peut aussi placer quelques scratchs comme en témoigne l'intro, un rythme bien soutenu, piano et une guitare bien sèche qui font l'affaire. Le concept est le suivant, il a produit des beats et veut en faire profiter des rappeurs, pas seulement des mecs de Chicago ou des gens avec qui il a collaboré. Il a tissé une multitude de connexions à l'époque où il était très actif, il les refait marcher aujourd'hui.

Les nouveaux venus ont du respect pour lui comme en témoigne Vic Spencer, il lui fera tout autant confiance, car le très bon "Soul Shine" est le premier single du projet. Le beat est propre, il ne propose aucune batterie et rend presque le long couplet a capella. Exercice de style et évidemment bien mené par l'un des mc's qui maintien Chicago en haut de liste. S'ensuit ensuite "God Given" où l'ancienne équipe se retrouve si puis-je dire, Vakill & Mc Juice qui ont clairement contribué à la renommée de Panik et des Molemen. Mais tout comme un entraîneur peut bonifier un joueur, un rappeur peut faire briller le beat. Et c'est le cas aussi, car si Vakill et Juice sont autant respectés et acclamés par les auditeurs, c'est par ce qu'ils ont brillé il y a plus de dix ans. Enfin, le dernier à rejoindre le trio et Astonish, qui lui aussi a était produit par Panik. Leur album fut de bonne facture, la voix unique et rafraîchissante du rappeur a fait la différence. Les circuits sont trop saturés et malgré son talent, il n'a pas tiré son épingle du jeu. Le morceau est fidèle à ce casting XXL.

 


 

C'est au tour de Psalm One, l'une des meilleures rappeuses du game, elle fait évidemment la part belle à sa ville natale et au producteur. On rentre dans un autre style de production, plus soft, plus smooth et élégant comme il a déjà su le faire. Le flow rageur et la voix perçante de la rappeuse collent parfaitement au sample qui tend à se disperser avant de se reconstruire pour finir sa boucle. Maitrisé de bout en bout, le morceau tourne bien.

On ne peut se contenter que d'excellents artistes de Chitown, alors d'autres protagonistes entrent en jeu. Cambatta, le rappeur signé chez Mellow Music Group (Apollo Brown, Oddisee...) propose un rap encore inédit car il oscille entre le chant et le rap. Loin de dire que le projet commence à s'essouffler, mais il apporte quelque chose qui ne vient que ré-hausser le niveau. La vedette n'est pas volée pour autant au producteur, ce dernier a une technique a prendre en compte. En effet, on considère à juste titre qu'il fait du "néo boom bap" ou "modern boom bap" et il aime bien multiplier les caisses claires. La rythmique reste assez traditionnelle mais il donne une autre dimension. Ça permet à l'artiste de placer ses mots différemment, de modifier son flow, son débit et d'emballer le son. Ce qui permet notamment de casser le cycle répétitif de boucle découpé qui dure 4 secondes et tourne durant quatre minutes... Et sur ce point, Panik a toujours eu une carte dans la manche pour proposer quelque chose. 

Si du côté de sa ville natale, les femmes savent rapper, de l'autre coté des États-Unis, il y a du répondant. Ce n'est pas Gavlyn qui va nous contredire sur "Things We Couldn't Mention". Son flow est pour moi à l'image du son, c'est agréable mais rien n'en ressort réellement. Il faut dire aussi que la prod malgré ses tentatives de déstabilisation, les scratchs de Dj Dub Plates peinent vraiment à nous emballer. On a plus l'impression d'écouter un interlude qui s'éternise un peu mais juste ce qu'il faut pour ne pas le zapper. Et en ré écoutant l'album, je me rends compte que le seul morceau instrumental de l'album est juste après celui-ci... Coïncidence ?

Revenons aux choses sérieuses, car il ne faut pas abuser non plus. Navarro (Rhyme Scheme) fait aussi son retour au micro avec Dj Scend. De suite, ça envoie du lourd, flow qui colle l'instrumental, une balade sur un morceau qui jouerait presque les premiers rôles dans un film d'horreur. Et encore une fois, l'ingéniosité du producteur est présente, il maintient la boucle principale qui est assez sombre et envoûtante, mais la casse avec un synthé qui va à l'opposé. Le son est vraiment le bienvenu.

 

 

 

On poursuit toujours l'album avec un de ses amis de Chicago, lui kick toujours, c'est Visual. Le style est différent, c'est plus porté sur la réflexion, du story telling. La MPC 2000XL fonctionne toujours aussi bien. On rentre enfin dans le vif du sujet avec "Biscuits" qui est sans pitié avec les autres artistes. La prod est assurément la meilleure du projet, difficile de jouer sur le sample, le tempo est bien ralenti sur la boucle, la caisse claire claque bien, il use d'effets et de saturation en accentuant bien un instrument. Vraiment, la prod réunit tout. M-Dot qu'on a l'habitude d'entendre et de le voir tuer un beat (le dossier arrive !) semble fatigué ici. Assez étonnamment, il pose le plus simple du monde tout en étant au-dessus d'une majorité. C'est dommage, il aurait pu vraiment tuer le beat comme il a fait en saccadant, contrôlant son souffle et poser durant quelques secondes sans s’arrêter. 

C'est Virtuoso qui se chargera d'enterrer le son, l'ancien d'Army Of The Pharaohs et proche collaborateur de Jedi Mind Tricks. Il se montre sous un autre jour, il pose un couplet vraiment percutant, il a pris l'invitation à cœur. Il joue sur tous les fronts, si le refrain est changé par Anthony Grant, les incrustations d'instruments font son bonheur. Il monte en puissance, change son débit, et même son flow à la fin du couplet jusqu'au break beat et le refrain. Superbe performance, la meilleure de l'album. Dj Scend finit le morceau à coup de scratchs, le son que j'aurais aimé voir clipper.

On change de décor, de style et d'artiste. Jamal Science fait aussi son retour, le grand espoir de Chicago, celui qui a sorti "Simply Amazin'" produit par ce même Panik en 2014. Il est naturel, il rap sans artifices, la prod est taillée pour lui, un son qui nous rappelle le défunt J-Dilla et Slum Village. Les petites notes de piano, les samples, la composition du morceau... On sent que l'alchimie entre ces deux-là est présente et tout ceci semble avoir était fait sur mesure ou presque. Ce qui en fait une très belle réussite. On assiste au retour de quelques anciens dans le rap depuis quelques années, c'est au tour de Grand Daddy I.U. Le rappeur du Queens s'adapte parfaitement au beat néo boom bap proposé par son homologue. Il apporte son style et une touche old school sous fonds de rimes bien ciblées et tranchantes. La production quant à elle, respire pleinement le synthé. 

L'album se solde par une apparition du groupe Tunnel Movement originaire de Chicago, qui respecte sa place et ne bouscule rien. Enfin le dernier morceau fait l'objet du second single, "Lost My Mind" est à l'image du personnage, du clip et du son. Le rappeur anglais Johnny Gunnz donne vie aux beats meurtriers et hardcore que Panik confectionne parfaitement. Son style est totalement palpable ici, un piano strident accentué par moment de riff de guitare et d'autres instruments sorti de son imagination. Le son parfait pour conclure ce projet de qualité. 

Concrètement, je m'attendais à un petit peu mieux pour un retour inespéré tel que celui-ci. Il ne vient pas concurrencer les grosses productions et venir titiller la nouvelle scène de Chicago, il vient juste redéfinir le bon rap, le bon son. Et on peut aisément dire qu'il colorie en dehors des lignes, se démarque et sort de l'ordinaire, car le type de productions qu'il propose est très personnel. Très peu de producteurs peuvent se targuer de faire ce qu'il fait en indé. Tout ceci n'envisage que du bon pour la suite et on espère vite le retrouver dans une prochaine chronique.

Il a était cité parmi les meilleurs albums de 2019 par le site "Hip Hop Golden Age". Je partage aussi l'avis.

Notes : Rap / Chant 7,5 - Instrus : 7,5

 

 

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