[Chronique son] Nakk Mendosa - Chanson Triste

Nakk Mendosa ou plus généralement appelé Nakk, rappeur français d'origine Camerounais, résident à Bobigny dans le 93. Je l'avais découvert à l'époque ou j'écoutai que du rap français sur la compilation "Original Bombattak" et son morceau "La Tour 20". Classique absolu que j'avais hésité à chroniquer mais je le trouve moins riche que celui-ci. Le morceau est sorti sur l'album "Street Minimum" qui réunit des inédits et divers featurings qu'il a pu faire. Le morceau ne comporte pas de refrain, juste un beat produit par L'As L'Emir (Keny Arkana, Jock'R...) et un long couplet du rappeur. Et il va prendre dès l'introduction tout le monde à contre sens en disant "C'est même pas une chanson triste...". Alors la question est qu'en est-il réellement ? C'est un rappeur très technique qui a su hisser son niveau pour avoir un flow aussi percutant que ses innombrables punchlines et jeux de mots. Il n'a rien envier à Lino ou Dany Dan.

Il va de suite nous recommander de penser aux siens d'abord avant de penser à soi. Et quelque part il n'a pas tord, pas seulement pour lui mais aussi pour eux. Si je vis dans un environnement sécurisé avec des gens en sécurité, alors je serai aussi sécurisé et sécurisant pour les autres. Malgré son immense talent, son ancienneté et tout le respect que le rap peut lui témoigner, il n'a jamais percé et méconnu du grand public. On peut le voir dans certains featurings et autres mais il n'a jamais basculé du coté commercial, jamais fais un morceau qui va à l'encontre de ses principes. Il a aidé et fait évoluer le rap dans un certain sens, mais le rap ne l'a pas aidé, si ? D'ailleurs dans ce morceau il montrera clairement son manque d’intérêt pour l'argent et les grandes sommes. C'était un type plutôt bon à l'école d'après ce qu'il dit et il aurait surement pu aller plus loin et se trouver un taf qui paye bien. Mais il se rendait peut être pas non compte de ses atouts à ce moment la comme beaucoup et à préféré se diriger vers quelque chose qui l'intéressait plus. 

"Car à l'école, j'ai pas trouvé ma branche, y a trop d'arbres"

Le genre de punchline qui place comme ça tranquillement dans le texte. le jeu de mot est notable car l'école propose en effet trop de branches, de voies et d'orientation. Beaucoup sont mal informés, ne savant pas ce qu'ils veulent faire au moment de choisir une voie. Y a plein de métiers et de fonctions qu'on découvre plus tard mais dont on ne soupçonnait pas l'existence étant plus jeune. D'autres encore ne sont pas du tout proposés par le schéma scolaire classique ou l’éducation nationale. Mais il se montrera très modeste en disant qu'il à fait un bide dans les études mais que poussé par ses proches qu'ils lui ont fait remarquer son talent dans le rap, il s'est lancé. Il passera par diverses métaphores pour s'exprimer, notamment en évoquant l'expression "avoir les mains moites" qui veut dire avoir les mains humides. Au delà de ça, c'était aussi associé au racisme envers les noirs mais il veut avant tout pointer le fait que les rappeurs se prennent pour des gangsters mais n'ont jamais porté un flingue. Il parle souvent d'amitié dans ses morceaux et bien qu'il ne soit pas seul et étant donné qu'il sait compter, il préfère ne plus compter sur les autres. 

Et le bonheur, chose primordiale pour l'humain est l'une des choses qui peut se fournir et consommer lui même, donc n'y touche pas. Le bonheur peut être vu au sans large ici (famille, loisirs, affaires personnelles...). Il reste très modeste d'ailleurs en disant qu'il a subi plusieurs types de violences et qu'il a du les affronter sans casque, mais il est toujours en vit. Sans aucune protection, ce qui vient encore plus accentuer le fait qu'il n'est pas un voyou. Pas victime pour autant mais il s'est surement aussi construit comme ça en Seine Saint Denis, département souvent pointé du doigt pour son insécurité. Mais qui a surtout vu son lot de stars éclore dans tous les domaines. Tout le long il gardera cette modestie et il le dit bien quand il dit qu'il veut faire son beurre et seulement ça, et non pas le beurre et l'argent du beurre comme une majorité d’artistes. Bien qu'à un moment donné, il mentionne le fait qu'il ai touché un gros chèque mais n'a pas su épargner ou bien qu'il a signé un contrat et n'a pas bien saisi toutes les modalités. Donc oui c'est facile de rester pauvre mais que c'est dur de rester riche. Comme tous il traque le bonheur, ou dit autrement je fuis les problèmes, ce qu'il veut c'est le bonheur, peu importe la distance qui les sépare. Faut dire que sa vie n'a pas était facile, il a perdu sa sœur et avant elle c'était son père alors que le rappeur était encore ado. Mais malgré tout la vie continue, et Noël n'est pas si triste car il ne verse pas de larmes sur les guirlandes. Il a vraiment encaissé, si tu peux tordre le cou d'une girafe, tu pourras alors peut être lui faire du mal. Donc très difficile. 

Une antiphrase intéressante quand il dit "comme cette nuit où j'ai vu l'jour" qui est contradictoire. Il est né en pleine nuit mais il béni le jour. On peut le voir comme le fait qu'il soit content d’être né mais qu'il peut éventuellement exprimer des regrets du à ses conditions de vie. 

Autre phrase qu'on peut coller directement à l'actualité : 

 -"Y a pas d'casseurs de vitres, ça existe pas : y'a qu'des mecs qui veulent exister" et c'est vrai ! 

Ils ne font pas ça pour le plaisir ces casseurs (certains oui) mais pour un ras le bol. En faisant ça, on les inscrits dans une catégorie, et ça les fait vivre, ça les rend visibles et ça les fait exister aux yeux de la société. C'est une façon de s'adresser aux autorités, au gouvernement, à la société, d'envoyer un message. Toujours dans le peau du personnage, il précise bien que le sang royal qu'on hérite d'une famille royale et n'est pas donc donné à tous, sinon à une très infime partie du royaume. Mais ce sang il a sur la chemise, c'est le sang de l'aristocratie à qui il a coupé des têtes et qui a éclaboussé sur lui. Et une phrase que j'aime beaucoup est celle qui vient souligner qu'un homme qui ne pleure pas, n'est pas un homme. Vrai ! Ce n'est pas un mal ou une faiblesse de pleurer, faut sortir de cette image de l'homme aux gros bras, très viril et intouchable. On a tous nos faiblesses et pleurer ne fait pas de mal, ça fait parti de l'humanité. Le ciel lui même pleure et sourit à travers le soleil, ou est le mal ? Inutile d'impressionner les autres en restant de marbre et en s'effondrant à l'ombre des lumières auxquelles ont fait face. Lui n'a aucun mal à se livrer et son rap est sincère tout comme il le souligne souvent. 

"Avant, j'voyais rien comme Daredevil 
Mais on m'a trahi, maintenant, j'vois tout c'qui s'passe comme un laveur de vitres"

Encore une fois il fait preuve d'une technique sans précédent. Daredevil est un super héros de l'univers Marvel mais il est aveugle. De l'autre coté, on a un homme, un humain ordinaire qui fait un métier ordinaire mais qui voit tout. Alors que le super héros lui est aveugle, le point de vue ne justifie pas tout car par extension il veut dire que maintenant la vie la mis en garde. Le ghetto il l'a quitté mais son esprit y est toujours, comment ne pas en parler ? Il finira en disant que seule la mort est gratuite, bien que d'autres choses le sont, le matériel lui ne l'est pas. Et l'argent et le matériel sont primordiales pour la survie, donc seule la mort nous est offerte sans effort. Et enfin, la plus forte :

- "Pourquoi tes larmes glissent ? Frérot, c'est même pas une chanson triste... ?

En reprenant tous les éléments donnés par les rappeurs, en repassant sa vie, son passé et ses mésaventures, y a de quoi être triste pour lui non ? Il fait un constat de la vie, du quotidien de façon simple et clair, son morceau lui ne veut pas faire de blessé ou faire couler des larmes. Il n'y est pour rien, c'est la vie qui est ainsi faite, il décrit des faits, le morceau n'est pas triste, la vie, si.