[Chronique Son] Big L & Jay-Z Freestyle radio Stretch & Bobbito (1995)


 

Big L, le regretté...

Je ne suis pas friand des freestyles, ça sera d'ailleurs le seul article en concernant un. Le niveau est tellement haut, impossible de passer a coté. Considéré comme l'un des meilleurs de tous les temps, de ce que j'ai entendu, clairement le meilleur.. Les rimes sont ouf venant de deux mc's pas très connu à ce moment. Oui oui, vous ne rêvez pas, Jay-Z a sorti son premier album "Reasonable Doubt" en 1996. A ce moment la, c'était un rappeur comme un autre, plein de talent certes mais pas la super star actuelle. Big L lui faisait la promo de son album qui sortira, la même année, nommé "Lifestylez Ov Da Poor And Dangerous". Assurément le plus gros punchliner de l'histoire et le meilleur sur un seul album. Son album connu un succès qu'après sa mort. De son vivant, l'album ne s'est pas réellement vendu.


 

Du beaucoup à ses productions qui ont d'ailleurs très mal vieilli. Surtout si on compare aux albums de son époque (Reasonable Doubt, Illmatic, Regulate...The G-Funk Era, Ready To Die...). C'est pourtant Lord Finesse & Buckwild qui lui ont produit l'album, surtout le premier qui l'a découvert en 1992. Il a ensuite signé chez Columbia. On estime qu'en 2000, l'album s'est vendu à 200 000 exemplaires, très peu pour un tel album. Il était dans deux groupes, un toujours actif : D.I.T.C regroupant Fat Joe, Buckwild, Lord Finesse, Diamond D, O.C, Showbiz & A.G et un autre dissout "Children Of The Corn" avec Ma$e, Cam'Ron (qu'on retrouvera en feat) & Bloodshed

 

Le titre de l'album fait référence à une série Tv nommé "Lifestyles of the Rich and Famous". 3 singles pour cet album, Columbia records lui a imposé des singles avec des refrains accrocheurs. Big L avait un style sombre à tous les niveaux donc pas évident. Néanmoins "Put It On" a plutôt bien marché. Le deuxième single "M.V.P" est clairement une reprise du morceau "One More Chance" de Biggie. Il a kiffé le beat et voulait un truc un peu R&B que les gens kifferait de suite et ce fut le cas ! Il a réinventé le son à sa façon et avec quelle efficacité ! Son album était tout de même bien trop sombre et son label avait du mal a le promouvoir car il ne voulait pas donner cette image de lui. Ils l'ont donc vraiment poussé à être positif sur certains morceaux et écrire d'une autre façon. 

Une cassette promo avec 4 morceaux inédits non-présent dans l'album circulait avant le projet pour la promo. Il a réalisé un 3ème single "No Endz, No Skinz" qui pour moi représente les 3 meilleurs prods de l'album. Les seuls encore audibles de nos jours, je parle de la production pas de qualité au mic. Il a tenté de placer "Street Stuck" mais il n'a pas du tout marché. Les critiques reviennent généralement et insistent sur le même point : les productions. Bien trop simpliste, sonnent vieille, sans âme, pas travaillé, old school, crade...Et je le répète, ça a mal vieilli et c'est fort dommage. Car sa voix et ses textes eux n'ont rien perdu. C'est d'ailleurs pour ça qu'il est encore loué aujourd'hui. Ça restera tout de même un classique malgré ses prods. Pour moi c'est incontestablement un must have, car il arrive à sauver les prods avec son talent. Dans le top 3 niveau mcing sur un seul album et de loin. Peu peuvent rivaliser sur un seul album. Un rappeur bidon aurait lâché un album sitôt sorti, sitôt oublié. Lui son niveau a fait qu'on écoutait avec attention chacun de ses frappes !

Celui qui a introduit Jay-Z dans le game


Présentations faites, passons au fameux freestyle. Concernant la prod, non ce n'est pas Jazzy Bazz et ses mesures de spleen qui ont inventé ça. Pas L non plus mais Mufi qui  a samplé “Melancholy Mood” de Marian McPartland. Ce même son sorti en 1995 aussi a était le premier single de Milkbone et son album Da' Miilkrate. La sample est un piano qui se répète en boucle, le producteur a su capter le bon moment et y injecter sa touche perso. C'est la simplicité et l'émotion qu'évoque ce piano qui a fait la renommée du beat. Et bien sûr après que L ai utilisé, le beat à encore plus tourné. Aujourd'hui encore, il est écouté et toujours autant apprécier tant il est prenant. Une émission radio était très populaire à ce moment la, c'était Stretch & Bobbito. Big L donne le ton avec l'un des meilleurs couplets de hip hop de tous les temps détruisant complètement jigga. 

Si c'était un autre mc, ça aurait était pareil. Il commence fort avec de l'égo trip mais avec des rimes sur toutes les phrases en milieu et en fin. La première punch à relevé est "I got a rep that make police jet, known to get a priest wet". Hormis le schéma de rime, la phrase est en fait complexe et du coup pas évidente a décortiquer et expliquer. Ce qu'il veut dire par la c'est qu'il n'est pas effrayé de tuer un prêtre mais surtout il peut lui donner la trique. Hors on sait que les hommes d'église sont censés être célibataires et loin des tentations sexuelles et ce que ça entraîne (l'excitation). Mais lui peut l'exciter par les rimes, ce qui veut dire que ses rimes sont du niveau de la bible. Complètement barge.

Ce qui conforte cette explication c'est la phrase "I run through church and pistol-whip the priest every Sunday" de son morceau "Devil'son" (fils du diable). Il montre rien qu'avec le titre son désaccord avec la religion mais surtout il nous dit clairement que chaque dimanche il tabasse le prêtre avec le cran de son pistolet. C'est un peu son rituel religieux à lui.

"I got the looks that make your hottie stare 
I keep a shotty near 
It's that nigga with notty hair who Gotti fear"

Le schéma de rime est encore très intéressant. Ce qu'il veut dire par la c'est qu'il n'a pas une coupe chelou, qu'il est bien de la rue. Il nous dit John Gotti, parrain de famille Gambino a peur de lui. Les afro-américains ont toujours étaient en guerre avec la mafia italienne installé a New York pour le contrôle de la ville. "Cops drop when my Glock makes a pow sound" plusieurs significations ici. Son flingue ne fait pas "pow pow" mais plutôt "boum boum". Pour lui le boum boum appuie sur la virilité de l'homme et se fait plus entendre. Bombs en argot peut aussi vouloir dire rimes alors que pow pow en argot c'est un petit flingue, un glock. Donc en comparant les deux sons, il met en avant sa virilité comparée aux autres rappeurs. 

Boum peut aussi faire référence au terme beat box qui signifierait que lui ses mots sont réels. Boum c'est aussi le bruit de la balle qui atteint la cible tandis que pow c'est le bruit du métal ou autre, signifiant que tu as raté la cible. Pow pow c'est aussi le terme utilisé dans les comics pour signaler un son de pistolet, donc du faux contrairement a lui. À la fin de son couplet, il appel Jay-Z 'My man', contrairement a ce qu'on prétend, c'est pas jigga qui a introduit L dans le rap mais bien le contraire ! D'ailleurs on voit bien la différence entre les deux mais le plus frappant c'est qu'un après, sort l'album "Reasonable Doubt" de Jay-Z. Véritable classique, le meilleur de sa carrière, et les progrès qu'il a faits dans ce laps de temps, hallucinant.

I got my man Jay-Z here (Jay-Z !)


"Brothers can beg and borrow, still feel sorrow" Jay a utilisé une technique qu'il emploiera tout le long de sa carrière. Il se sert beaucoup des homonymes comme ici avec "still" pour "steal". Stretch and Bobbito décrivent Jay à cette époque et surtout a ce show comme quelqu'un d’extrêmement confiant et sur de sa réussite. Et il le confire lui-même avec cette ligne 

"The shit is eternal, I rock the heavens well". 

Le paradis étant infini, les talents du rappeur le sont aussi bien qu'il a perdu de sa superbe.

"Even if they won't let me in Heaven, I raise hell 'Til it's Heaven" il a réutilisé cette phrase en inversant heaven et hell sur "Justify My Thug" présent sur The Black Album. "Come on and ride the rhythm, I produce like jizm" a avoué qu'il était plus technique à sa début, il fessait vraiment attention au placement de ses mots pour produire le meilleur son possible. 

Dans mon précédent article, j'avais mentionné les The Five-Percent Nation, bien qu'il n'en fait pas parti, il en parle et n'a pas hésité a montrer son soutien.

"Me and L put rhythm on the map, so give him his dap 
And me, I just take mine
Gimme those, gimme this, gimme that—fuck that !"

Il fait pas mal de références a des personnes ou des célébrités comme souvent dans le rap.
"When I be goin' I be runnin' the track like Jesse Owens" Ici c'est une référence au sportif Jesse Owens. "I mack like Goldie" Goldie est un macro joué par Max Julien.

Ici il encense donc Big L et voudrait qu'il soit reconnu à sa juste valeur. Mais c'est une époque où il galérait aussi pour sa promo donc il en profite pour se mettre en avant. Ça c'est un truc qui le suivra durant toute sa carrière, car il a batailler pour se faire une place et faire sa propre promo. Mais lui le sait mieux que n'importe quoi, il faut se battre pour avoir ce qu'on veut. 

"Armed with a piece like Islam ; I make your eyes rise like yeast". Jeux de mots avec l'islam, les musulmans regardent vers l'est en direction de la mosquée quand ils prient et le "yeast" s'entend comme un "east". Piece ici veut dire pistolet, il joue encore sur les homophones.


On revient avec le deuxième couplet du L, tout aussi violent que le premier. Et la tombe l'une des meilleurs punchlines de l'histoire "I'm so ahead of my time my parents haven't met yet" qu'on traduit par : Je suis tellement en avance sur mon temps, mes parents ne se sont même pas encore rencontré. Fin du game...! 

C'est ouf ce qu'il sort là et le pire c'est qu'il a pas tord. Il fait beaucoup de références à des célébrités comme la journaliste Connie Chung, car on prend des notes aussi des qu'on l'écoute. Ou le raciste Rudy Giuliani ou bien encore Reverend Butts un prêcheur qui était contre les thugs du hip hop. Ce qui appuie le fait qu'il est contre l'église. Le seul truc en commun qu'il partage avec c'est qu'il reste célibataire.
"The bitch type I dislike, I'm rougher than a fist fight
All chicks ain't shit, ain't no such thing as Ms. Right
"

Il parle souvent en mal des meufs, il les prend que pour le sexe car il les pense toutes mauvaises. Elles cherchent que l'argent, le pouvoir et ceux qui l'ont, pas un mec de la rue comme lui. La phrase d'après vient le confirmer :

"So we can never be a couple, hun Fuck love! All I got for hoes is hard dick and bubble gum". 

Elle n'est pas de lui car Ice Cube & Tim Dog l'avaient déjà utilisé, respectivement 4 et 2 ans auparavant. Jay-Z la ressortira plus tard pour lui rendre hommage.

S'en suit ensuite le dernier couplet de jigga. 

"I'm definitely destined to make eight digits Met up with L on the road to riches". 

Encore une fois, il encense le L et fait une référence a Kool G Rap et son "Road To Riches". Pendant quelques mesures jigga aura un peu de mal, il bafouille un peu et se perd, est dans son texte ? En tout cas, il garde le rythme et enchaine au mic. Il fait aussi une dédicace au groupe Brand Nubain avec "Punk, jump up and get beat down". 

Autre phrase intéressant "Ladies be comin' out of their seats now". Les femmes le kiffent tellement qu'elles se levant pour lui ou alors quand il rappe il les excite tellement qu'elles tiennent plus en place. 

Sa dernière phrase est aussi dans ce sens la "Baby, baby, with crazy ease, watch Jay-Z get crazy G's" G's c'est des milliers en abrégé mais aussi pour girls, et une folle ici. Et quand on sait qu'il a réalisé "Crazy In Love" avec Beyoncé qui est n'est pas la fille la plus coincée du monde...Visionnaire le mec. 

Ainsi s'achève ce légendaire freestyle qu'il faut écouter et réécouter. Big L était vraiment LE mc de New York et bien plus. RIP à une légende.


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