[Dossier] Sous leur radar, au dessus de leur tête : De KXNG Crooked au trône [Partie 2]
Crooked I (KXNG Crooked)
Localisation : Long Beach, Los Angeles
Label : C.O.B (Circle Of Bosses) / Treacherous C.O.B.
Si vous vous souvenez, lors du précédent article, je me suis arrêté à la partie où Crooked I change de nom. Je vais donc reprendre ici, et expliquer la raison du changement de nom.
"Tout doit changer et tout doit évoluer. Créativement, je veux juste aller ailleurs", a expliqué le rappeur. "Je pense juste que c'était le titre approprié pour décrire où je veux aller. Les gens me demandent : "Pourquoi le X au lieu du je (I) ?" Eh bien, le X symbolise le chiffre romain 10 et c'est aussi le signe de multiplication. Donc, j'essaie vraiment de me mettre au défi d'être 10 fois meilleur."
"Je ne base jamais ce que je fais sur ce que font les autres rappeurs. Je me base sur les gens qui soutiennent ma musique et qui essaient de me rendre meilleur que ce que j'étais hier. C’est ma principale ambition en matière de musique. De plus, je connais ma culture. Je sais d'où je viens. Je sais que j’ai le sang des rois en moi, donc c’est aussi une raison de plus. Donc, cela semblait juste approprié." - Crooked I (KXNG Crooked)
Voilà qui explique ce changement de nom. J'ai un peu de mal avec les "X" qui sont utilisés à tout va, bien que cela soit justifié ici. Je l'appellerai toujours par son premier nom. Il a sorti beaucoup de projets depuis le changement de nom mais pas d'album. Toujours pas. C'est le principal reproche qui lui est fait, c'est un rappeur kickeur, freestyleur, punchlineur... mais pas d'album. Les carrières d'artistes sont généralement bâtis sur cela, sésame sur lesquelles on va se retrancher pour avoir des références.
Sex, Money & Hip Hop - Mixtape aux allures d'album
Une intro, un interlude suivi de 20 morceaux ! Et du beau monde : Slaugtherhouse, Dj Revolution, Bo-Roc (The Dove Shack), Horseshoe Gang... Nous sommes en 2014, en décembre plus précisément, il a demandé à ses fans de ne pas sortir l'album en avance sur internet. L'introduction est originale car elle met en scène deux urgentistes qui tentent de réanimer un malade.
Ils décrivent ce qu'ils voient en lui : drogues, sexe, alcool... En fait ce patient c'est le hip-hop, une critique envers le rap d'aujourd'hui en fait. Il a dit récemment (2020) qu'il était contre les pratiques dans l'industrie de la musique. Les pratiques qui ne respectent pas les femmes, les producteurs zappent la chanteuse car elle ne veut pas le voir en dehors du son. Le rappeur annule le feat car la meuf veut pas coucher avec... Il demande du respect envers la gent féminine. Il reconnaît qu'en tant que mec dans le rap, il est avantagé.
D'ailleurs le premier morceau où il rappe se nomme "Fallen God Rappers" où il fait la part belle à ceux qui l'ont inspirés et ceux qui l'admirent. On ne trouve pas que des rappeurs dans les personnalités citées. Il fait ainsi étalage de tout son talent et prouve de nouveau qu'il n'y a rien à envier aux anciens, il les aurait même influencé (peut-être). Je ne suis pas fan des interludes en général mais celui où il raconte sa vie après Death Row est important, je trouve. Signé sur le mythique label de Suge Knight, il a fini par le quitter (voir mon précédent dossier) et il explique que plus personne ne voulait taffer avec lui. La légende veut que ce label soit terrifiant, violent et traite avec milieux et des gens peu fréquentables. Il a donc dû bien galérer avec l'étiquette "Death Row" collé sur lui, sachant qu'a cette époque il n'avait pas accompli grand-chose contrairement à ses compères.
On raconte qu'aux E.U, on réalise beaucoup de tests, ce qui permet d'en savoir plus sur les générations à venir. Une idée assez répandue est que ces tests vont définir certains budgets : les prisons, les lits d’hôpitaux, les projets de réinsertion... Dans le sens où, plus les taux de réussite des tests sont faibles, plus on tendra vers des profils non qualifiés, pauvre et dangereux (pas seulement pour les autres). Ceci est totalement absurde, bien évidemment. KXNG Crooked dit que justement, seules les barrières physiques peuvent nous coincer, pas les barrières mentales. Je veux juste souligner le fait que beaucoup de personnes pensent que tout est possible avec la seule volonté, du moins comme principal allié. Je ne partage pas l'idée car, bien que cela soit en partie vrai, on oublie souvent les limites physiques qui ne dépendent pas de nous mais de la nature. Petit, grand, métabolisme différent, problème de santé à la naissance, valeur physique intrinsèque... Personne ne peut lutter face à ses lois du ciel et de la terre.
Bien que le projet de cet album ne soit pas clairement défini, il marque quelque chose : l'avènement d'un roi. Un roi a des projets et des ambitions, tous ont leurs propres idéaux et leurs propres envies, c'est une place qu'il faut savoir tenir et conserver. Dans le morceau "God Bless The KXNG", il propose plusieurs mini-couplets où il porte différentes casquettes : Mansa Musa, empereur du Mali en 1312 ; le Roi Arthur (qui révèle beaucoup de la fiction) qui vécut à la fin du Vème / début du Vième siècle ; Imhotep de l’Égypte Antique ; Alexandre le Grand qui est l'un des plus célèbres ; Xerxès le roi perse... Je ne vais pas tous les citer mais en somme, il se compare à eux, il n'est pas un descendant de quelqu'un, il est un précurseur.
Il n'oublie jamais personne et fait souvent croquer sa famille, à savoir ses frères qui forment le groupe Horseshoe Gang. Si on a eu droit à un "Drum Murder" avec un son en images, on retrouve ici "Drum Murder Part 2", bien plus discret que son prédécesseur mais toujours avec les mêmes intentions. Personne ne se fait de cadeau, l'idée est de balancer des minis couplets avec un flow plein d'énergie et gonfle de rimes fraiches. Parmi les autres invités, nous retrouvons Bo-Roc (The Dove Shack), Kokane ou encore Slaughterhouse. Ce qui est assez étonnant, c'est que Sarah J a produit une bonne partie de la mixtape. Elle a également produit pour Machine Gun Kelly, Maino, Nipsey Hussle, Tory Lanez... Belle réussite pour ce projet.
L'heure de vérité
Il sait qu'il doit marquer pour perdurer et confirmer tout le bien qu'on pense de lui. Il s'associe au producteur Statik Selektah (Boston), lui qui fait souvent ce genre de projet en s'associant à un artiste. Dix morceaux, un seul featuring, celui de Termanology, tout le reste est placé entre les mains de Statik KXNG. On en est loin, mais il faut souligner la comparaison (que le rappeur fait lui-même) entre Large Professor / Nas et Statik Selektah / KXNG Crooked, plus pour le côté vrai rap. Les médias et les fans ont d'ailleurs très chaleureusement accueils le projet. Clairement l'album est bon, il ne parle pas mal de société et des rappeurs actuels. Notamment ceux qui font l'éloge de la violence, d'un passé de thug alors qu'ils n'ont jamais fréquenté un gang. Ils parlent de drogue et d'alcool mais pas des violences journalières. L'album est sorti en 2016 mais fut enregistré en 2015.
L'autre projet important est son album "Good Vs Evil" qui fait appel à pas mal de monde : Tech N9ne, Eminem, RZA, Xzibit... C'est donc un an plus tard, en 2016 qu'il décide de mettre les bouchées doubles. L'album l'a fait monter dans l'estime des nouveaux auditeurs et rassurer les autres. L'un de ses meilleurs projets. Lui, il fait le taf, tout comme les autres mais il a su apporter une touche primordiale : les refrains. Il les a confié entre autres à Bo-Roc (The Dove Shack), Astray ou encore lui-même ! Cela paraît normal, mais ça rajoute surtout une touche importante de qualité. Le concept de l'album est que le KXNG vient d'une autre planète, il embarque dans son vaisseau spatial pour venir sur terre. Il ne vit pas dans le même monde, pas dans la même réalité et pointe le manque de démocratie, le racisme, les violences policières... Projet très engagé. The Observer, une sorte cette voix électronique fait le lien sur beaucoup de morceaux et nous interagit avec l'artiste et les auditeurs. Le projet est très bien mené et mérite bien plus qu'une simple écoute.
Une hypothèse énorme (qui semble être vraie) en Amérique est que le gouvernement américain a délibérément mis des armes à feu dans les communautés afro-américaines pauvres pour qu'elles se détruisent, et aussi pour aider la police à arrêter les Afro-Américains en possession de ces armes puisque la police est certaine que ces citoyens afro-américains ne possèdent pas de permis d'armes à feu pour les armes à feu ou les armes elles-mêmes étaient illégales à posséder en tant que citoyen américain ordinaire. Tout comme la drogue. Il défend beaucoup ce genre d'idées dans l'album. Le concept lui tient tellement à cœur qu'en 2017 il sort "The Good Vs Evil : The Red Empire". Il voit les flics un peu comme des robots, tout comme le gouvernement, programmé pour détruire et exécuter.
Il dit être très empathique et il voulait symboliser la riposte envers ce gouvernement et ces crimes à travers ses projets. Bien que le message soit positif, qu'il fait appel à la réflexion et non à la destruction, il a voulu contre-attaquer de façon violente. De façon assez brute et directe, il sait que sa plume tranche plus qu'une épée et l'action verbale auront plus d'impact que l'action physique. Néanmoins, il peut revendiquer une violence verbale. Et cette occultation de la vérité, la manipulation et le contrôle des masses passe en partie par la musique.
Il est à noter que la série GvE est en 4 parties d'après son Twitter, néanmoins, seulement deux sont sortis aujourd'hui. Le premier projet vient contester l'élection de Donald Trump. C'était le moment pour lui de faire un passer ce message en ces temps troubles. Il faut rappeler qu'il est très proche de l’idéologie de 2Pac et tout ce que cela comporte. Il sait que s'il veut que son message passe, il doit être provocateur sur la forme. Ce second album de la série est différent, les morceaux sont plus courts, je le vois plus comme un approfondissement de l'autre. La qualité est toujours présente néanmoins. Il propose toujours des rimes techniques et des flows insaisissables, le gangsta rap plane mais de très loin.
Après cela, il va revenir vers l'un de ses premiers amours : Hip Hop Weekly. Cette fois, c'est différent, il ne sort pas un son à la semaine, plutôt un projet nommé "The Weeklys" Vol.1 / Vol.2... Le concept est le même, c'est-à-dire reprendre une instru déjà utilisée par un rappeur et en faire sa propre version sur un long freestyle. Il pousse le délire en proposant des visuels en plus du son et retravaille le concept dans son intégralité. Il modifie (et bonifie) certains morceaux en revoyant le beat légèrement ce qui le dépoussière un peu. Déjà écrit sur un excellent morceau sur cette série ==> KXNG Crooked - Life Of A Bandana
Si jusque-là, ce n'était pas clair pour tout le monde, maintenant ce l'est, c'est le meilleur freestyleur à ce jour. Il détruit tout sur les classiques de Nas, Dr. Dre, Jay-Z, Mobb Deep... Je ne prête généralement que très peu d’intérêt, voir pas du tout aux reprises et beats utilisés, surtout les classiques. Mais ses performances imposent le respect. C'est tellement bien réalisé qu'on pourrait croire que c'est un morceau taffé pour une mixtape. C'est fou.
Le reste des projets sera des EP, des feats et des collaborations. Faisons tout de même sur un projet assez étonnant et bien pensé, l'album avec Bronze Nazareth. Qui n'est pas n'importe qui, car il a su impressionner RZA par ses productions, et depuis c'est un affilé officiel au clan, le Wu Tang. Aucun loup n'a prévenu de cette sublime attaque avant que le projet ne se montre au grand jour : Gravitas. En 2019, l'album arrive sur le marché avec Ras Kass, Planet Asia, Bishop Lamont, Royce Da 5'9, L.A The Darkman, Ghostface Killah, Benny The Butcher, Killah Priest, RZA, DMX, Royce Da 5'9, Snoop Dogg... Un casting de malade en fait, tout est produit par le maitre du Michigan. Ce qui vient surtout marquer le nom du KXNG dans tous les états de son pays natal. Il montre ainsi qu'il appréciait de tous, peu rappé sur tout style de rap et qu'il a tissé des connexions de Long Beach à Staten Island ! Peu d'artistes peuvent vraiment se vanter de cela.
L'autre projet assez surprenant (plus trop de collaborations depuis la dissolution du super groupe) est H.A.R.D avec Joell Ortiz. Signé chez Mello Music Group, pas étonnant donc qu'on retrouve à la prod Apollo Brown, mais surtout le grand Illmind ! C'est court, et c'est vraiment le seul défaut car le projet est vraiment lourd. Les autres projets notables sont bien évidemment la fusion entre lui et le crew formé par ses frères : Horseshoe G.A.N.G. Ils se sont appelés Family Bvsiness, je ne vais pas traiter le sujet ici car un dossier sera entièrement consacré à ce groupe, qui a mon sens détruit n'importe quel crew.
Enfin, le dernier projet sorti à ce jour date d'octobre 2020, il s'appelle "Flag" et il est excellent. Vu qu'il est très récent, je n'ai pas toutes les infos encore. Le morceau "Still Regulatin'" est le meilleur du projet, ce refrain qui sample "Just Ridin'" de Playya 1000 est une tuerie. Il rend déjà hommage à Nate Dogg, mais pas que, il propose un sacré refrain doublé par une voix féminine, superbe. Il arrive à tout mélanger dans ses projets, on ne peut pas lui reprocher grand-chose en vrai. Il raconte des histoires, il parle avec des vraies paroles, il ne se cale pas que sur le côté technique, il met des fleurs dans le studio. De l'entrée au dessert, il ne laisse rien tomber, il maitrise tout ce qu'un Mc peut maitriser, et il le fait à un tel point qu'il fait partie des meilleurs de l'histoire. Il n'est plus question d'aimer ou de ne pas aimer, il est question de reconnaissance. Je ne suis pas fan de Cristiano Ronaldo mais je le mettrais dans mon équipe-type sans hésiter ! C'est la différence, il faut reconnaitre quelque chose qui a de la qualité, avec ou sans notre approbation. Ce n'est jamais subjectif mais quand même, je ne suis pas fan de Redman mais ne je ne reconnais aisément qu'il est monstrueux au micro.
Là, où il est fort aussi c'est qu'il ne fait pas ce que le public attend de lui (hormis quand il a démarré la série Hip Hop Weekly) mais ce que lui-même attend de lui. Et en ce sens, il ne se fixe aucune limite et tout ce qu'il fait et entreprend abouti. Ce qui vient surement expliquer sa longévité, qui lui donne un sacré statut dans le game, plus de 20 ans de rap.
Mon avis ?
Concrètement, je ne vois aucun défaut. Je l'ai expliqué 50 fois, il a toutes les facettes qu'un rappeur / poète / écrivain... peut réclamer. Il est à l'aise sur tous les sujets, il ne se renferme dans aucun style et il semble humble. Il rappe avec tout ce qui veut bénéficier d'un rappeur hors pair sur leur projet. On pourrait lui reprocher d'être trop street à ses débuts ou trop Gangsta, mais ce dossier vient prouver le contraire. Donc concrètement, il faut plus se pencher sur la mauvaise performance / mauvais projet pour trouver une faille. Car il n'en a pas réellement si vous cherchez du coté des propres attributs. Rap, chant, fast flow, rimes techniques, punchlines, freestyle... Il manque quoi ?
Pourquoi vous risquez de ne pas aimer ?
Ce qu'il faut écouter ?
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