[Chronique ] Paco - Corps et Âme

 

Localisation : Paris, France

 

Année : 2021

 

 

Beaucoup d'artistes français sont actifs en ce moment et les projets pleuvent. Celui-ci en particulier a retenu mon attention. Cela fait des années que j'écoute Raoul Suares AKA Paco qui est originaire de Montreuil, en Seine-Saint-Denis (93). Il vient du même endroit que son ami Swift Guad, artiste que j'ai déjà raconté à travers mes chroniques. Et pour réellement être complet, il est également proche du producteur Mani Deïz, qui a d'ailleurs mixé et mastérisé l'album. D'ailleurs le producteur et le rappeur ont sorti deux albums en commun : Pacman et Pacman Vol.2. Je vais donc vous parler de l'album "Corps et Âme" sorti le 4 juin 2021, distribué par Addictive Music. 

Paco rappe depuis 1997, très expérimenté avec beaucoup de collaborations et d'albums à son actif, il a atteint un haut niveau dans le rap. Il a eu un parcours fractionné, puisqu'il a dû arrêter le rap durant 6 ou 7 ans pour s'occuper de ses deux enfants. C'est qu'en 2011 qu'il revient définitivement choquer la France. On le reconnaît assez facilement quand il rappe car on a l'impression que sa voix est écorchée et cassée. Ce timbre de voix si particulier se marie parfaitement au type de rap qu'il propose, conscient et sombre par moments. Le limiter à ce seul atout ne serait pas exact, il possède une réelle plume et une capacité à écrire très importante. Il écrit sans cesse et à l'instar des rappeurs de San Francisco ou de Houston, il est très productif. Son inspiration semble débordante et sa culture générale bien plus que considérable. Ce qui est une force aujourd'hui et plus que jamais, car je ne vous apprends rien en disant que le rap a beaucoup perdu.

 

Note : Je chronique l'album en déroulant la tracklist, c'est mon fil conducteur.

 

 

 

D'ailleurs c'est tout cela qui semble défendre dans le morceau d'ouverture "Hermétique". Le troisième single "Messagerie Pleine" voit le jour le 4 juin 2021, il est produit par 401 nofound. Il est réalisé par Slob, le clip installe l'artiste dans un désert avec deux voitures et un filtre sépia. Une bonne entrée en matière. Le premier son qui m'a vraiment parle est le morceau "Petit homme". Le morceau est produit par Crown de Grim Reaperz, il fait partie de la crème des producteurs français aux côtés de Greenfich, Mani Deïz & Al' Tarba pour moi. Dans ce morceau, il dresse un constat du monde, des problèmes écologiques, de la destruction de la planète, de la mondialisation... Du monde qu'on va laisser à nos enfants. Retenez que le monde n'a pas besoin d’être changé, il a besoin qu'on arrête de le détruire.

Juste après, suit le morceau "Figurants" produit par Sarbacane, qui est également excellent, et ce, à tous les niveaux. En gros ici, il parle du fait qu'il n'est pas connu du grand public et que les médias mainstream n'en font pas sa priorité. Mais après tout, s'il peut vivre sans eux et continuer de régaler les auditeurs fidèles, de quoi il se soucie ? On sent son amour pour cette musique et pour ce qu'il fait, encore un succès. Le second single porte le nom de l'album "Corps et Âme", encore une fois produit par le très bon Sarbacane et Slob pour la vidéo. Cette fois c'est bien plus sombre, l'artiste est pleinement mis en avant dans le clip mais dans l'ombre. C'est à cet endroit où il brille le plus, le mélodieux piano nous fait plonger dans les entrailles de Paco. 

"Dans la musique, je me suis donné corps et âme 

Sans jamais avoir l'impression d'avoir bossé 

J'ai gribouillé des rimes, des phases au bord des larmes 

La raison m'a aidé à bien savoir doser"

 

 

 

Mani Deïz qui n'avait pas encore participé jusqu'alors, apparaît à la track 7 avec le premier single "Petite boule bleue". C'est toujours la même équipe pour la vidéo, cette fois, ils l'ont bien plus coloré, très réussi, encore une fois. Il rejoint le morceau "Petit homme" et fait la part belle à la terre et ce qu'on va laisser à cette planète. Nous sommes trop occupés à faire de l'argent et faire fonctionner ce monde pour pouvoir réfléchir à un mode de vie intelligent. Qui s'en soucie ? Pas toi, tant que tu as ce qu'il te faut. Le problème est qu'on a besoin d'argent pour sauvegarder la terre, sauf qu'on détruit la terre pour faire de l'argent... C'est logique. On aimerait aider la planète mais nous sommes trop occupés à la vendre... Passons.

Ce Crown est définitivement indispensable, il revient sur le morceau "Cosette". C'est un très bel hommage aux femmes du monde, celles qui se battent, qui se démènent, celles qui survivent, font vivre leur famille... Toutes les femmes en fait, sans qui la vie (pour toutes les raisons du monde) ne serait pas possible. C'est un sujet en vogue, certains diront, mais qui peut aussi bien le maitriser ? Si les gens partageaient du Paco, le monde serait en paix. Sa technique de rimes se marie parfaitement bien au morceau. Il livre une excellente prestation, ce qui en fait un morceau phare de cet album. "Leçon de vie" lui nous plonge un peu plus dans la noirceur et l'univers de l'artiste. Il s'ouvre sur un "Repose en paix", il semble s'adresser à quelqu'un en particulier sans le dire clairement. Le titre touchera bien plus de monde que la personne concernée.

Aussi étonnant que ça peut le paraître, on retrouve un seul invité, il répond au nom de Loko Peroxyde. Il propose un bon couplet sur "Ces voix". Je n'ai pas les noms de tous les producteurs, mais tout est bien produit, encore une fois avec ce morceau. Réaliser un jubilé, c'est synonyme d'un adieu, de la célébration d'un évènement, une carrière ou autres avant d'y mettre un terme. C'est également un bilan, un passage qu'on fait après les 50 ans. Paco a nommé une musique "Jubilé" avec beaucoup de références au foot, c'est un terme beaucoup utilisé dans ce sport. Et on le sait, le rap et le foot font souvent bon ménage. Les métaphores qu'il utilise entre le sport et la musique sont de hautes qualités, ce qui démontre de nouveau qu'il se balade de partout. Terminons sur "La vie d'avant" où Mani Deïz se voit confier une nouvelle production. Le schéma de l'album reste à peu près identique, c'est-à-dire qu'il se compose de deux couplets (sauf ici) et un refrain en début, milieu et fin de musique.

Alors quel bilan en tirer ? Nous avons un artiste qui maitrise parfaitement son art et s'est encré dans son style. Ses paroles sont intelligentes, elles visent à une réflexion sans vous torturer l'esprit. Les productions sont finement sélectionnées et elles collent à son style. Il peut également s'appuyer sur une solide base de fans et d'auditeurs qui ne sont jamais lassés. Paco montre bien que la qualité et la quantité sont deux choses assimilables. Il le dit lui-même qu'il écrit tout le temps et qu'il a plein de projets et c'est souvent réussi. Sa musique n'est pas ce qu'on entend en radio, mais au moins, on sait de quoi on parle, il fait du rap. C'est surement l'album le plus intéressant que j'ai eu la chance d'écouter venant de cet artiste. Il y a 16 morceaux, pas d'interludes, ça peut faire peur, mais il ne faut pas se fier aux apparences. D'une part, les morceaux sont courts mais efficaces ; de deux, tous racontent quelque chose ; et de trois, l'album est tout à fait homogène et équilibré.

 

 

Notes : Rap : 8,5 - Instrumental : 8,5